Analyse de l’Écoulement dans une Conduite

Exercice : Analyse de l'Écoulement dans une Conduite

Analyse de l’Écoulement dans une Conduite Forcée

Contexte : L'hydraulique en charge.

L'étude des écoulements en conduites forcées est un pilier de l'ingénierie hydraulique, essentiel pour la conception des réseaux de distribution d'eau potable, des systèmes d'irrigation ou des installations hydroélectriques. Cet exercice a pour but de déterminer la pression en un point d'une installation en calculant les pertes de chargeDissipation d'énergie (exprimée en mètres de colonne de fluide) due aux frottements du fluide sur les parois (pertes linéaires) et aux singularités du circuit (coudes, vannes, etc.). qui surviennent tout au long du parcours du fluide. Nous utiliserons l'équation de Bernoulli généralisée, qui prend en compte ces pertes d'énergie.

Remarque Pédagogique : Cet exercice vous guidera à travers une démarche complète d'ingénieur : définition du problème, identification du régime d'écoulement, calcul des différentes sources de pertes d'énergie et application d'un bilan énergétique pour trouver une inconnue (ici, une pression).


Objectifs Pédagogiques

  • Appliquer l'équation de Bernoulli généralisée à un cas concret.
  • Calculer le nombre de ReynoldsNombre sans dimension qui caractérise le régime d'un écoulement. Un Re élevé (> 4000) indique un régime turbulent, tandis qu'un Re faible (< 2000) indique un régime laminaire. pour identifier la nature de l'écoulement.
  • Déterminer le coefficient de perte de charge linéaire via l'équation de Colebrook.
  • Quantifier les pertes de charge linéaires (dues au frottement) et singulières (dues aux accessoires).
  • Calculer la pression en un point d'un circuit hydraulique.

Données de l'étude

On étudie un système d'adduction d'eau. Un réservoir dont la surface libre est à l'air libre (pression atmosphérique) et à une altitude de 100 m alimente un point B situé à une altitude de 85 m via une conduite en fonte neuve. Le système comprend plusieurs accessoires.

Schéma de l'installation
Système Réservoir - Conduite
A (zₐ, Pₐ) zₐ = 100 m Niveau de référence (z=0) zₑ = 85 m B (zₑ, Pₑ) Coude 90° Coude 90° Vanne
Paramètre Description Valeur Unité
\(L\) Longueur totale de la conduite 500 m
\(D\) Diamètre intérieur de la conduite 250 mm
\(Q\) Débit volumique 150 L/s
\(\varepsilon\) Rugosité absolue (fonte neuve) 0.26 mm
\(\nu\) Viscosité cinématique de l'eau à 10°C 1.31 x 10-6 m²/s
\(K_{\text{coude}}\) Coeff. de perte pour un coude 90° 0.4 -
\(K_{\text{vanne}}\) Coeff. de perte pour la vanne (ouverte) 0.2 -

Questions à traiter

  1. Calculer la vitesse moyenne de l'écoulement \(V\) dans la conduite.
  2. Calculer le nombre de Reynolds (\(Re\)) et déterminer la nature du régime d'écoulement.
  3. Calculer la rugosité relative et déterminer le coefficient de perte de charge linéaire \(f\).
  4. Calculer la somme des pertes de charge singulières (\(\Delta H_S\)) et linéaires (\(\Delta H_L\)).
  5. En appliquant l'équation de Bernoulli, déterminer la pression \(P_B\) au point B (en bar).

Les bases sur l'Écoulement en Conduite Forcée

Pour résoudre ce problème, nous nous basons sur le principe de conservation de l'énergie pour les fluides en mouvement, formalisé par l'équation de Bernoulli, auquel nous ajoutons un terme pour représenter les pertes d'énergie dues au frottement.

1. Équation de Bernoulli généralisée
Elle exprime que la charge hydraulique totale en un point A est égale à celle en un point B, diminuée des pertes de charge entre A et B. La charge hydraulique est la somme de l'énergie de pression, de l'énergie cinétique et de l'énergie potentielle, par unité de poids du fluide. \[ \frac{P_A}{\rho g} + \frac{V_A^2}{2g} + z_A = \frac{P_B}{\rho g} + \frac{V_B^2}{2g} + z_B + \Delta H_{A \to B} \] Où \(P\) est la pression, \(\rho\) la masse volumique, \(g\) l'accélération de la pesanteur, \(V\) la vitesse, \(z\) l'altitude et \(\Delta H\) les pertes de charge.

2. Calcul des Pertes de Charge
Les pertes de charge totales (\(\Delta H\)) sont la somme des pertes de charge linéaires (\(\Delta H_L\)) et singulières (\(\Delta H_S\)).

  • Linéaires (Darcy-Weisbach) : dues au frottement sur la longueur de la conduite. \[ \Delta H_L = f \frac{L}{D} \frac{V^2}{2g} \]
  • Singulières : dues aux accidents de parcours (coudes, vannes, etc.). \[ \Delta H_S = \left( \sum K \right) \frac{V^2}{2g} \]
Le coefficient \(f\) est déterminé à partir du nombre de Reynolds et de la rugosité relative via le diagramme de Moody ou des formules empiriques comme celle de Colebrook.


Correction : Analyse de l’Écoulement dans une Conduite

Question 1 : Calculer la vitesse moyenne de l'écoulement

Principe

La vitesse moyenne d'un fluide dans une conduite est directement liée au débit volumique et à la section transversale de la conduite. Ce principe de conservation de la masse stipule que le débit (volume de fluide par unité de temps) est constant et égal au produit de la vitesse par l'aire de la section.

Mini-Cours

La relation \(Q = V \times A\) est l'équation de continuité pour un fluide incompressible. Elle traduit le fait que la matière ne peut être ni créée ni détruite. Dans une conduite de section constante, la vitesse du fluide est donc uniforme sur toute sa longueur.

Remarque Pédagogique

La première étape de tout problème d'hydraulique impliquant un débit et une conduite est presque toujours le calcul de la vitesse. C'est une grandeur fondamentale qui interviendra dans tous les calculs suivants (Reynolds, pertes de charge).

Normes

Le calcul de la vitesse à partir du débit est une application directe des principes de base de la mécanique des fluides et n'est pas régi par une norme spécifique, mais il constitue le fondement de toutes les normes de dimensionnement hydraulique.

Formule(s)

Formule de la vitesse

\[ V = \frac{Q}{A} \]

Formule de l'aire d'une section circulaire

\[ A = \frac{\pi D^2}{4} \]
Hypothèses

On suppose que la conduite est pleine et que la vitesse est uniforme sur toute la section (profil de vitesse "moyen" ou "bouchon"). En réalité, la vitesse est nulle à la paroi et maximale au centre, mais la vitesse moyenne est suffisante pour les calculs d'ingénierie courants.

Donnée(s)
ParamètreSymboleValeurUnité
Débit volumiqueQ150L/s
Diamètre intérieurD250mm
Astuces

Pour vérifier rapidement un ordre de grandeur, souvenez-vous que 100 L/s dans une conduite de 200 mm de diamètre donne une vitesse d'environ 3.2 m/s. Vos résultats devraient être cohérents avec cet ordre de grandeur.

Schéma (Avant les calculs)
Section de conduite
Q →VA
Calcul(s)

Conversion du débit

\[ \begin{aligned} Q &= 150 \text{ L/s} \\ &= 150 \times 10^{-3} \text{ m}^3\text{/s} \\ &= 0.15 \text{ m}^3\text{/s} \end{aligned} \]

Conversion du diamètre

\[ \begin{aligned} D &= 250 \text{ mm} \\ &= 0.25 \text{ m} \end{aligned} \]

Calcul de l'aire de la section

\[ \begin{aligned} A &= \frac{\pi \times (0.25 \text{ m})^2}{4} \\ &\approx 0.049087 \text{ m}^2 \end{aligned} \]

Calcul de la vitesse

\[ \begin{aligned} V &= \frac{0.15 \text{ m}^3\text{/s}}{0.049087 \text{ m}^2} \\ &\approx 3.056 \text{ m/s} \end{aligned} \]
Schéma (Après les calculs)
Section de conduite avec vitesse calculée
Q →V ≈ 3.06 m/sA
Réflexions

Une vitesse de 3.06 m/s est une vitesse élevée pour un réseau d'eau potable (où l'on vise souvent 1-2 m/s pour limiter les pertes de charge et les coups de bélier), mais elle est acceptable pour une conduite de transport ou une conduite forcée hydroélectrique.

Points de vigilance

L'erreur la plus commune ici est la conversion d'unités. Assurez-vous que le débit est en m³/s et le diamètre en m avant de faire le calcul. Une erreur sur le diamètre (oubli de le mettre au carré) est aussi fréquente.

Points à retenir

Maîtrisez la formule \(Q=V \cdot A\) et le calcul de l'aire d'un disque \(A = \pi D^2 / 4\). La cohérence des unités est non négociable.

Le saviez-vous ?

Le principe de continuité a été formalisé par Léonard Euler au 18ème siècle, mais c'est l'ingénieur italien Giovanni Venturi qui a démontré expérimentalement au 19ème siècle que la pression d'un fluide diminue lorsque sa vitesse augmente, une conséquence directe de la conservation de l'énergie et de la masse.

FAQ
Résultat Final
La vitesse moyenne de l'eau dans la conduite est d'environ 3.06 m/s.
A vous de jouer

Si le débit était réduit à 75 L/s dans la même conduite, quelle serait la nouvelle vitesse ?

Question 2 : Calculer le nombre de Reynolds et déterminer le régime

Principe

Le nombre de Reynolds (\(Re\)) est un nombre sans dimension qui permet de caractériser le régime d'écoulement d'un fluide. Il compare les forces d'inertie (qui tendent à créer des turbulences) aux forces visqueuses (qui tendent à amortir ces turbulences).

Mini-Cours

On distingue classiquement trois régimes d'écoulement :

  • Laminaire (\(Re < 2000\)): Les filets de fluide s'écoulent parallèlement les uns aux autres. L'écoulement est lisse et ordonné.
  • Transitoire (\(2000 < Re < 4000\)): Régime instable, intermédiaire entre laminaire et turbulent.
  • Turbulent (\(Re > 4000\)): L'écoulement est chaotique, avec des tourbillons et un mélange intense du fluide. C'est le cas le plus courant dans les applications industrielles.

Remarque Pédagogique

Il est crucial de déterminer la nature de l'écoulement car les lois de frottement (et donc le calcul des pertes de charge) sont radicalement différentes en régime laminaire et en régime turbulent.

Normes

Les seuils de 2000 et 4000 pour le nombre de Reynolds sont des conventions universellement acceptées en mécanique des fluides pour les conduites circulaires.

Formule(s)

Formule du nombre de Reynolds

\[ Re = \frac{V \cdot D}{\nu} \]
Hypothèses

On suppose que le fluide est Newtonien (sa viscosité ne dépend pas des contraintes qu'il subit), ce qui est une excellente approximation pour l'eau.

Donnée(s)
ParamètreSymboleValeurUnité
Vitesse moyenneV3.06m/s
Diamètre intérieurD0.25m
Viscosité cinématique\(\nu\)1.31 x 10-6m²/s
Astuces

Pour l'eau à température ambiante dans les conduites d'ingénierie courantes (diamètres > 2 cm, vitesses > 0.5 m/s), l'écoulement est presque systématiquement turbulent. Un résultat laminaire devrait vous alerter sur une possible erreur de calcul.

Schéma (Avant les calculs)
Visualisation des Régimes d'Écoulement
Régime LaminaireRégime Turbulent
Calcul(s)

Calcul du nombre de Reynolds

\[ \begin{aligned} Re &= \frac{3.06 \text{ m/s} \times 0.25 \text{ m}}{1.31 \times 10^{-6} \text{ m}^2\text{/s}} \\ &\approx 583969 \end{aligned} \]
Schéma (Après les calculs)
Identification du régime d'écoulement
Régime LaminaireRégime TurbulentRe ≈ 5.8x10⁵ > 4000
Réflexions

Le nombre de Reynolds obtenu est \(583 969\), ce qui est très largement supérieur à 4000. L'écoulement est donc pleinement turbulent. Cela signifie que les frottements sur la paroi de la conduite auront un impact significatif sur l'énergie du fluide.

Points de vigilance

Attention à ne pas confondre viscosité cinématique (\(\nu\), en m²/s) et viscosité dynamique (\(\mu\), en Pa.s). Si vous utilisez la viscosité dynamique, la formule devient \(Re = \rho V D / \mu\). L'utilisation de la mauvaise viscosité est une erreur fréquente.

Points à retenir

Le nombre de Reynolds est le critère clé pour choisir la bonne méthode de calcul des pertes de charge. Retenez les seuils : < 2000 pour laminaire, > 4000 pour turbulent.

Le saviez-vous ?

L'ingénieur et physicien irlandais Osborne Reynolds a mis en évidence ces différents régimes en 1883 grâce à une expérience simple et élégante, en injectant un filet de colorant dans un écoulement d'eau dans un tube de verre transparent. Il a pu observer directement le passage d'un régime laminaire (filet droit) à un régime turbulent (le colorant se mélangeait brutalement à toute la section).

FAQ
Résultat Final
Le nombre de Reynolds est d'environ 584 000. L'écoulement est turbulent.
A vous de jouer

Si l'on remplaçait l'eau par une huile ayant une viscosité cinématique de \(1.0 \times 10^{-4}\) m²/s (environ 76 fois plus visqueuse), quel serait le nouveau nombre de Reynolds, à la même vitesse ?

Question 3 : Calculer le coefficient de perte de charge linéaire \(f\)

Principe

Le coefficient de perte de charge linéaire, \(f\), quantifie l'intensité du frottement du fluide contre les parois de la conduite. Pour un écoulement turbulent dans une conduite rugueuse, ce coefficient dépend à la fois du nombre de Reynolds (qui caractérise l'écoulement) et de la rugosité relative de la conduite (qui caractérise la surface).

Mini-Cours

Le diagramme de Moody est une représentation graphique qui relie \(f\), \(Re\), et la rugosité relative \(\varepsilon/D\). Il est la solution graphique de l'équation de Colebrook-White, qui est la référence pour calculer \(f\) en régime turbulent. Cette équation est implicite, ce qui signifie que \(f\) apparaît des deux côtés et nécessite une résolution numérique ou itérative.

Remarque Pédagogique

Savoir naviguer sur le diagramme de Moody est une compétence fondamentale. On entre avec la valeur de \(Re\) sur l'axe horizontal, on "monte" jusqu'à la courbe correspondant à la rugosité relative \(\varepsilon/D\), puis on lit la valeur de \(f\) sur l'axe vertical de gauche.

Normes

L'équation de Colebrook est la base de la plupart des normes de calcul hydraulique modernes, y compris les Eurocodes en Europe et les standards de l'ASCE aux États-Unis, pour les régimes turbulents de transition.

Formule(s)

Équation de Colebrook (implicite)

\[ \frac{1}{\sqrt{f}} = -2 \log_{10} \left( \frac{\varepsilon/D}{3.7} + \frac{2.51}{Re \sqrt{f}} \right) \]
Hypothèses

Cette formule est valable pour un écoulement turbulent pleinement développé dans une conduite circulaire. On suppose que la rugosité \(\varepsilon\) est uniformément répartie sur la paroi interne.

Donnée(s)
ParamètreSymboleValeurUnité
Rugosité absolue\(\varepsilon\)0.26mm
Diamètre intérieurD250mm
Nombre de ReynoldsRe583 969-
Astuces

Pour une estimation rapide sans calcul itératif, on peut utiliser des formules explicites comme celle de Swamee-Jain, qui donne une très bonne approximation de la solution de Colebrook : \( f \approx \frac{0.25}{\left[ \log_{10}\left(\frac{\varepsilon/D}{3.7} + \frac{5.74}{Re^{0.9}}\right) \right]^2} \). L'application de cette formule donne ici \(f \approx 0.0205\), ce qui est très proche.

Schéma (Avant les calculs)
Extrait du Diagramme de Moody
Nombre de Reynolds (Re) →Coeff. de frottement (f)10⁵10⁶10⁷0.0150.0200.025ε/D=0.0015.8x10⁵f≈0.0203
Calcul(s)

Étape 1 : Calcul de la rugosité relative

C'est le rapport entre la hauteur des aspérités de la paroi et le diamètre de la conduite. C'est un nombre sans dimension.

\[ \begin{aligned} \frac{\varepsilon}{D} &= \frac{0.26 \text{ mm}}{250 \text{ mm}} \\ &= 0.00104 \end{aligned} \]

Étape 2 : Résolution de l'équation de Colebrook par itérations

L'équation de Colebrook étant implicite, nous la résolvons par approximations successives. On commence avec une estimation initiale de \(f\).

Itération 1 : Estimation initiale

On choisit une valeur de départ commune pour \(f\) en régime turbulent, \(f_0 = 0.02\). On l'injecte dans la partie droite de l'équation pour trouver une nouvelle valeur \(f_1\).

\[ \begin{aligned} \frac{1}{\sqrt{f_1}} &= -2 \log_{10} \left( \frac{0.00104}{3.7} + \frac{2.51}{583969 \sqrt{f_0}} \right) \\ &= -2 \log_{10} \left( \frac{0.00104}{3.7} + \frac{2.51}{583969 \sqrt{0.02}} \right) \\ &= -2 \log_{10} \left( 0.000281 + 0.0000304 \right) \\ &= -2 \log_{10} \left( 0.0003114 \right) \\ &\approx 7.013 \end{aligned} \]

Calcul de \(f_1\)

\[ \begin{aligned} \sqrt{f_1} &= \frac{1}{7.013} \approx 0.14258 \\ f_1 &= (0.14258)^2 \approx 0.02033 \end{aligned} \]

Itération 2 : Affinage du résultat

On recommence le calcul en utilisant la nouvelle valeur \(f_1 = 0.02033\) comme estimation.

\[ \begin{aligned} \frac{1}{\sqrt{f_2}} &= -2 \log_{10} \left( \frac{0.00104}{3.7} + \frac{2.51}{583969 \sqrt{f_1}} \right) \\ &= -2 \log_{10} \left( \frac{0.00104}{3.7} + \frac{2.51}{583969 \sqrt{0.02033}} \right) \\ &= -2 \log_{10} \left( 0.000281 + 0.0000302 \right) \\ &= -2 \log_{10} \left( 0.0003112 \right) \\ &\approx 7.014 \end{aligned} \]

Calcul de \(f_2\)

\[ \begin{aligned} \sqrt{f_2} &= \frac{1}{7.014} \approx 0.14257 \\ f_2 &= (0.14257)^2 \approx 0.020326 \end{aligned} \]

La valeur de \(f\) a convergé. On retient \(f \approx 0.0203\).

Schéma (Après les calculs)
Point de fonctionnement sur le Diagramme de Moody
Nombre de Reynolds (Re) →Coeff. de frottement (f)10⁵10⁶10⁷0.0150.0200.025ε/D=0.0015.8x10⁵f=0.0203
Réflexions

Une valeur de \(f\) de 0.0203 est typique pour une conduite en fonte de cette taille avec un écoulement turbulent. Si la conduite était en PVC (\(\varepsilon \approx 0.0015\) mm), \(f\) serait plus faible. Si elle était vieille et corrodée (\(\varepsilon \approx 2\) mm), \(f\) serait bien plus élevé.

Points de vigilance

L'équation de Colebrook utilise un logarithme en base 10 (\(\log_{10}\)), et non un logarithme népérien (\(\ln\)). C'est une source d'erreur courante si l'on programme la formule dans un calculateur. De plus, la résolution itérative doit être initialisée avec une bonne valeur de départ (par ex. 0.02) pour converger rapidement.

Points à retenir

En régime turbulent, le coefficient de frottement \(f\) est une fonction du nombre de Reynolds et de la rugosité relative \(\varepsilon/D\). Il n'est pas constant. L'équation de Colebrook est la méthode de référence pour le calculer.

Le saviez-vous ?

Le diagramme de Moody, publié en 1944 par Lewis Ferry Moody, est devenu un outil si fondamental qu'il est présent dans la quasi-totalité des manuels de mécanique des fluides. Il a permis de rendre accessible à tous les ingénieurs la résolution de l'équation complexe de Colebrook à une époque où les calculatrices n'existaient pas.

FAQ
Résultat Final
Le coefficient de perte de charge linéaire \(f\) est d'environ 0.0203.
A vous de jouer

Si la conduite était en PVC (\(\varepsilon = 0.0015\) mm), quelle serait approximativement la nouvelle valeur de \(f\) (tous les autres paramètres étant identiques) ?

Question 4 : Calculer les pertes de charge totales

Principe

L'énergie totale perdue par le fluide est la somme de l'énergie dissipée par le frottement sur toute la longueur de la conduite (pertes linéaires) et de l'énergie perdue à cause des perturbations locales de l'écoulement créées par les accessoires (pertes singulières).

Mini-Cours

Les pertes de charge linéaires sont réparties sur toute la longueur de la conduite. Les pertes de charge singulières sont des chutes d'énergie localisées au niveau des coudes, vannes, changements de section, etc. Elles sont modélisées en utilisant un coefficient adimensionnel \(K\) qui dépend de la géométrie de l'accessoire.

Remarque Pédagogique

Une bonne pratique est de toujours lister et sommer tous les coefficients de pertes singulières (\(\sum K\)) avant de procéder au calcul, pour s'assurer de n'en oublier aucun. Cette somme peut ensuite être vue comme une "longueur équivalente" de conduite droite qui causerait la même perte de charge.

Normes

Les valeurs des coefficients de perte de charge singulière (\(K\)) sont tabulées dans de nombreuses normes et manuels d'ingénierie hydraulique (comme les publications de l'Hydraulic Institute ou les mémentos techniques des fabricants).

Formule(s)

Formule des pertes de charge totales

\[ \Delta H_{\text{Total}} = \Delta H_L + \Delta H_S \]

Formule des pertes de charge linéaires

\[ \Delta H_L = f \frac{L}{D} \frac{V^2}{2g} \]

Formule des pertes de charge singulières

\[ \Delta H_S = \left( \sum K \right) \frac{V^2}{2g} \]
Hypothèses

On suppose que les coefficients K sont indépendants du nombre de Reynolds, ce qui est une approximation valide pour des écoulements pleinement turbulents (Re > 10⁵).

Donnée(s)
ParamètreSymboleValeurUnité
Coefficient f\(f\)0.0203-
LongueurL500m
DiamètreD0.25m
VitesseV3.06m/s
Coeff. coude\(K_{\text{coude}}\)0.4-
Coeff. vanne\(K_{\text{vanne}}\)0.2-
Astuces

Le terme de charge cinétique, \(V^2/(2g)\), est un facteur commun à toutes les pertes de charge (linéaires et singulières). Calculez-le une seule fois et réutilisez-le pour accélérer vos calculs.

Schéma (Avant les calculs)
Identification des sources de pertes de charge
Pertes Linéaires (L=500m)K_coudeK_coudeK_vanne
Calcul(s)

Calcul du terme de charge cinétique

\[ \begin{aligned} \frac{V^2}{2g} &= \frac{(3.06 \text{ m/s})^2}{2 \times 9.81 \text{ m/s}^2} \\ &\approx 0.477 \text{ m} \end{aligned} \]

Calcul des pertes de charge linéaires \(\Delta H_L\)

\[ \begin{aligned} \Delta H_L &= 0.0203 \times \frac{500 \text{ m}}{0.25 \text{ m}} \times 0.477 \text{ m} \\ &\approx 19.36 \text{ m} \end{aligned} \]

Somme des coefficients de pertes singulières

\[ \begin{aligned} \sum K &= 2 \times K_{\text{coude}} + 1 \times K_{\text{vanne}} \\ &= 2 \times 0.4 + 0.2 \\ &= 1.0 \end{aligned} \]

Calcul des pertes de charge singulières \(\Delta H_S\)

\[ \begin{aligned} \Delta H_S &= 1.0 \times 0.477 \text{ m} \\ &\approx 0.48 \text{ m} \end{aligned} \]

Calcul des pertes de charge totales

\[ \begin{aligned} \Delta H_{\text{Total}} &= 19.36 \text{ m} + 0.48 \text{ m} \\ &= 19.84 \text{ m} \end{aligned} \]
Schéma (Après les calculs)
Ligne de Charge et Ligne Piézométrique
Ligne de charge (EGL)↓ ΔH_LLigne piézométrique (HGL)V²/2g
Réflexions

On remarque que les pertes de charge linéaires (19.36 m) sont très largement supérieures aux pertes de charge singulières (0.48 m). C'est un résultat typique pour les conduites longues, où le frottement sur la longueur domine les pertes d'énergie par rapport aux accessoires.

Points de vigilance

L'erreur la plus commune est d'oublier un accessoire lors de la sommation des coefficients K. Une autre erreur est de mal appliquer la formule de Darcy-Weisbach, par exemple en oubliant le terme \(1/(2g)\).

Points à retenir

L'énergie totale perdue est la somme des pertes réparties (linéaires) et des pertes localisées (singulières). Les deux dépendent du carré de la vitesse, ce qui signifie que doubler le débit multiplie environ par quatre les pertes de charge.

Le saviez-vous ?

L'équation de Darcy-Weisbach, bien que portant les noms du français Henry Darcy et du saxon Julius Weisbach, est le fruit des travaux de nombreux scientifiques du 19ème siècle. Elle a supplanté de nombreuses autres formules empiriques (comme celle de Hazen-Williams) car elle est dimensionnellement cohérente et valable pour tous les fluides et tous les régimes d'écoulement, à condition d'utiliser le bon coefficient \(f\).

FAQ
Résultat Final
La perte de charge totale entre le réservoir et le point B est de 19.84 m.
A vous de jouer

Si l'on ajoutait deux coudes à 90° supplémentaires au circuit, quelle serait la nouvelle perte de charge totale (en m) ?

Question 5 : Déterminer la pression au point B

Principe

En utilisant l'équation de Bernoulli généralisée entre la surface libre du réservoir (point A) et le point de sortie B, on peut isoler l'inconnue, qui est la pression au point B (\(P_B\)). On fait un bilan d'énergie : l'énergie initiale en A est égale à l'énergie restante en B plus toute l'énergie perdue en chemin.

Mini-Cours

Chaque terme de l'équation de Bernoulli représente une forme d'énergie par unité de poids, exprimée en mètres de colonne de fluide :

  • \(z\) : l'énergie potentielle de position (hauteur géométrique).
  • \(P/(\rho g)\) : l'énergie de pression (hauteur piézométrique).
  • \(V^2/(2g)\) : l'énergie cinétique (hauteur cinétique).
La somme de ces trois termes est la "charge totale".

Remarque Pédagogique

Visualisez la charge comme une "quantité d'énergie" disponible. Au point A, vous avez une charge de 100 m. Chaque mètre de perte de charge consomme un mètre de cette énergie disponible. La pression au point B dépendra de l'énergie qu'il reste après avoir "payé" la différence d'altitude et les pertes par frottement.

Normes

Dans les réseaux de distribution d'eau potable, les normes (par ex. en France, le Fascicule 71) imposent une pression minimale en tout point du réseau (souvent de l'ordre de 1 bar) pour garantir un service correct et éviter les contaminations. Un calcul montrant une pression négative indique une non-conformité majeure.

Formule(s)

Réarrangement de l'équation de Bernoulli

\[ \frac{P_B}{\rho g} = \left(\frac{P_A}{\rho g} + z_A \right) - \left( \frac{V_B^2}{2g} + z_B \right) - \Delta H_{\text{Total}} \]

Formule de la pression \(P_B\)

\[ P_B = \rho g \left[ (z_A - z_B) - \frac{V_B^2}{2g} - \Delta H_{\text{Total}} \right] + P_A \]
Hypothèses
  • La pression à la surface du réservoir (\(P_A\)) est la pression atmosphérique, que l'on considère comme pression de référence (0 bar relatif).
  • La vitesse de l'eau à la surface d'un grand réservoir (\(V_A\)) est considérée comme nulle.
  • La vitesse au point B est la vitesse d'écoulement dans la conduite (\(V_B = V\)).
Donnée(s)
ParamètreSymboleValeurUnité
Altitude A\(z_A\)100m
Altitude B\(z_B\)85m
Charge cinétique en B\(V_B^2/2g\)0.477m
Pertes de charge totales\(\Delta H_{\text{Total}}\)19.84m
Pression en A (relative)\(P_A\)0Pa
Masse volumique de l'eau\(\rho\)1000kg/m³
Astuces

Avant le calcul final, comparez la charge disponible par gravité (\(z_A - z_B\)) aux pertes de charge totales. Si \(\Delta H_{\text{Total}} > (z_A - z_B)\), vous savez déjà que la pression au point B sera négative par rapport à la pression en A.

Schéma (Avant les calculs)
Bilan énergétique entre A et B
Ligne de charge (EGL)↓ ΔH_LLigne piézométrique (HGL)V²/2g
Calcul(s)

Calcul de la charge de pression au point B

\[ \begin{aligned} \frac{P_B}{\rho g} &= (100 - 85) - 0.477 - 19.84 \\ &= 15 - 20.317 \\ &= -5.317 \text{ m} \end{aligned} \]

Calcul de la pression \(P_B\) en Pascals

\[ \begin{aligned} P_B &= 1000 \text{ kg/m}^3 \times 9.81 \text{ m/s}^2 \times (-5.317 \text{ m}) \\ &\approx -52159 \text{ Pa} \end{aligned} \]

Conversion de la pression en bar

\[ \begin{aligned} P_B &= \frac{-52159 \text{ Pa}}{100000 \text{ Pa/bar}} \\ &\approx -0.52 \text{ bar} \end{aligned} \]
Schéma (Après les calculs)
Visualisation de la Pression Négative
Ligne de chargeLigne piézométriquePression Négative
Réflexions

Le calcul montre que les pertes de charge sont si importantes (19.84 m) qu'elles consomment non seulement toute la différence de hauteur disponible (15 m), mais nécessiteraient en plus 5.317 m d'énergie supplémentaire. Dans la réalité, le débit de 150 L/s ne pourrait pas être atteint dans cette configuration. L'écoulement se stabiliserait à un débit plus faible, pour lequel les pertes de charge égaleraient exactement la différence de hauteur de 15m. Cet exercice montre qu'une conception est irréalisable.

Points de vigilance

Le résultat est une pression négative ! Une pression relative négative signifie que la pression absolue est inférieure à la pression atmosphérique. En hydraulique, cela est un signal d'alarme majeur : si la pression descend en dessous de la pression de vapeur saturante de l'eau (environ -0.9 bar relatif à 10°C), le phénomène de cavitation peut apparaître, provoquant des dommages importants aux conduites.

Points à retenir

L'équation de Bernoulli est un bilan énergétique. La charge disponible (due à l'altitude et à la pression initiale) doit être supérieure ou égale à la charge consommée (énergie cinétique et pertes de charge) pour maintenir une pression positive. Une pression négative calculée signale une conception hydrauliquement impossible.

Le saviez-vous ?

La notion de "pression atmosphérique" a été démontrée par Evangelista Torricelli en 1643 avec son célèbre baromètre à mercure. Il a montré que l'air avait un poids et que le "vide" qu'il créait au sommet du tube n'était pas un vide absolu, mais un espace rempli de vapeur de mercure à très basse pression. C'est ce même principe qui explique la cavitation : l'eau "bout" à température ambiante si la pression chute suffisamment.

FAQ
Résultat Final
La pression calculée au point B est de -0.52 bar (relatif). Cette configuration n'est pas viable.
A vous de jouer

En oubliant la vitesse (\(V_B^2/2g\)), quelle est la perte de charge maximale \(\Delta H_{\text{max}}\) que ce système peut supporter sans que la pression ne devienne négative ?


Outil Interactif : Simulateur de Pertes de Charge

Utilisez cet outil pour observer comment le débit et la rugosité de la conduite influencent les pertes de charge et la viabilité du système. Le diamètre est fixé à 250 mm.

Paramètres d'Entrée
150 L/s
0.26 mm
Résultats Clés
Nombre de Reynolds (Re) -
Pertes de Charge Totales (\(\Delta H\)) -
Charge de Pression en B (\(P_B/\rho g\)) -

Quiz Final : Testez vos connaissances

1. Le nombre de Reynolds permet principalement de :

2. Comment les pertes de charge linéaires évoluent-elles approximativement avec la vitesse d'écoulement en régime turbulent ?

3. Quelle est la cause principale des pertes de charge singulières ?

4. Dans l'équation de Bernoulli, que représente le terme \( P/(\rho g) \) ?

5. Dans un régime "pleinement turbulent rugueux" (Re très élevé), de quoi dépend principalement le coefficient de frottement \(f\) ?


Nombre de Reynolds (Re)
Nombre adimensionnel comparant les forces d'inertie aux forces de viscosité dans un fluide. Il est crucial pour déterminer si un écoulement sera laminaire, transitoire ou turbulent.
Perte de Charge
Représente la diminution de l'énergie totale d'un fluide lorsqu'il s'écoule d'un point à un autre. Elle est exprimée en hauteur de colonne de ce fluide (en mètres) et est due principalement aux frottements.
Rugosité Relative (\(\varepsilon/D\))
Rapport sans dimension entre la rugosité absolue de la paroi interne d'une conduite (\(\varepsilon\)) et son diamètre intérieur (\(D\)). Ce paramètre est essentiel pour calculer les pertes de charge en régime turbulent.
Viscosité Cinématique (\(\nu\))
Propriété d'un fluide qui mesure sa résistance à l'écoulement sous l'effet de la gravité. Elle est définie comme le rapport de la viscosité dynamique à la masse volumique du fluide.
Exercice d'Hydraulique : Écoulement en Conduite

D’autres exercices d’hydraulique :

0 commentaires
Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *