Résistance au Feu d’une Poutre en Béton Armé

Résistance au Feu d’une Poutre en Béton Armé

Résistance au Feu d’une Poutre en Béton Armé

Contexte : Pourquoi vérifier la résistance au feu ?

La sécurité incendie est un aspect fondamental de la conception des bâtiments. En cas d'incendie, les structures doivent conserver leur capacité portante pendant une durée suffisante pour permettre l'évacuation des occupants et l'intervention des services de secours. Le béton armé se comporte bien au feu, mais les températures extrêmes dégradent ses propriétés mécaniques et celles de l'acier. Le béton perd de sa résistance et peut s'épaufrerÉclatement de la surface du béton sous l'effet de la pression de la vapeur d'eau piégée à l'intérieur lors d'une montée rapide en température., tandis que l'acier d'armature s'échauffe et perd une part importante de sa résistance. La vérification consiste à s'assurer que, malgré cette dégradation, la poutre peut toujours supporter les charges qui lui sont appliquées en situation d'incendie.

Remarque Pédagogique : Cet exercice vous montrera comment vérifier la résistance au feu d'une poutre en béton armé pour une durée de 60 minutes (R60). Nous utiliserons une méthode simplifiée basée sur des abaques pour déterminer la température dans les aciers, puis nous calculerons la capacité portante résiduelle de la poutre avec les résistances réduites des matériaux.


Objectifs Pédagogiques

  • Comprendre l'impact de la température sur la résistance du béton et de l'acier.
  • Déterminer la charge de calcul en situation d'incendie (\(E_{d,fi}\)).
  • Utiliser des méthodes simplifiées pour estimer la température des armatures.
  • Calculer la résistance au moment fléchissant d'une section à haute température (\(M_{Rd,fi}\)).
  • Vérifier la sécurité de la poutre en comparant la sollicitation et la résistance en situation de feu.

Données de l'étude

On reprend la poutre de l'exercice précédent, de section 30x50 cm et de portée 7.0 m, dont le ferraillage a été calculé à froid (6 HA 20). On souhaite vérifier si elle satisfait à une exigence de stabilité au feu de R60 (60 minutes). La poutre est exposée au feu sur 3 faces (la face supérieure est protégée par une dalle).

Exposition au feu de la section
Dalle (non exposée) Poutre 30x50 Feu ISO 834

Caractéristiques et charges :

  • Section : \(b = 30 \, \text{cm}\), \(h = 50 \, \text{cm}\)
  • Béton C25/30, Acier S500 B
  • Armatures longitudinales : 6 HA 20 (\(A_s = 18.84 \, \text{cm}^2\))
  • Enrobage (axe des aciers) : \(a = 5.1 \, \text{cm}\)
  • Charges de service : \(G_k = 20 \, \text{kN/m}\), \(Q_k = 15 \, \text{kN/m}\)
  • Coefficient de réduction pour la charge d'exploitation en situation d'incendie : \(\psi_{2,1} = 0.3\)

Questions à traiter

  1. Calculer le moment fléchissant de calcul en situation d'incendie, \(M_{Ed,fi}\).
  2. Déterminer la température de l'acier d'armature \(\theta_s\) après 60 minutes d'exposition au feu.
  3. Calculer le facteur de réduction de la limite élastique de l'acier, \(k_y(\theta)\).
  4. Déterminer la résistance de calcul de l'acier à chaud, \(f_{yd,fi}\).
  5. Calculer le moment résistant de la section à chaud, \(M_{Rd,fi}\), et conclure sur la stabilité de la poutre.

Correction : Résistance au Feu d’une Poutre en Béton Armé

Question 1 : Calculer le moment fléchissant de calcul en situation d'incendie, \(M_{Ed,fi}\)

Principe avec image animée (le concept physique)
Charge ELU Charge Incendie Situation accidentelle

Un incendie est une situation "accidentelle". Il est très improbable qu'un incendie se déclare au moment même où le bâtiment supporte la charge d'exploitation maximale. Les normes autorisent donc de prendre en compte une fraction seulement de la charge d'exploitation pour la vérification au feu. On combine la charge permanente (qui est toujours là) avec une partie de la charge d'exploitation, définie par le coefficient \(\psi_{2,1}\).

Mini-Cours (approfondissement théorique)

La combinaison d'actions pour les situations accidentelles (comme un incendie) est définie dans l'Eurocode 0. La formule générale est \(G_k + \psi_{2,1} Q_k\). Le coefficient \(\psi_{2,1}\) représente la part "quasi-permanente" de la charge d'exploitation. Pour un bureau ou un logement, il est de 0.3, signifiant qu'on considère que 30% de la charge est présente en permanence (mobilier lourd, archives...).

Remarque Pédagogique (le conseil du professeur)

Point Clé : Notez qu'en situation d'incendie, on n'utilise plus les coefficients \(\gamma_G=1.35\) et \(\gamma_Q=1.5\). La situation étant déjà exceptionnelle, on travaille avec des charges non majorées, mais avec des résistances de matériaux fortement réduites.

Normes (la référence réglementaire)

La combinaison d'actions en situation d'incendie est définie dans l'Eurocode 0 (EN 1990), section 6.4.3.3, formule (6.11b).

Hypothèses (le cadre du calcul)

On considère une combinaison fondamentale pour une situation d'incendie, où la charge d'exploitation est la seule action variable d'accompagnement.

Formule(s) (l'outil mathématique)

Charge de calcul en situation d'incendie

\[ P_{d,fi} = G_k + \psi_{2,1} \cdot Q_k \]

Moment de calcul en situation d'incendie

\[ M_{Ed,fi} = \frac{P_{d,fi} \cdot L^2}{8} \]
Donnée(s) (les chiffres d'entrée)
  • \(G_k = 20 \, \text{kN/m}\)
  • \(Q_k = 15 \, \text{kN/m}\)
  • \(\psi_{2,1} = 0.3\)
  • \(L = 7.0 \, \text{m}\)
Calcul(s) (l'application numérique)

Calcul de la charge d'incendie \(P_{d,fi}\)

\[ \begin{aligned} P_{d,fi} &= 20 \, \text{kN/m} + (0.3 \times 15 \, \text{kN/m}) \\ &= 20 \, \text{kN/m} + 4.5 \, \text{kN/m} \\ &= 24.5 \, \text{kN/m} \end{aligned} \]

Calcul du moment d'incendie \(M_{Ed,fi}\)

\[ \begin{aligned} M_{Ed,fi} &= \frac{24.5 \, \text{kN/m} \times (7.0 \, \text{m})^2}{8} \\ &= \frac{24.5 \times 49}{8} \\ &= 150.1 \, \text{kN} \cdot \text{m} \end{aligned} \]
Réflexions (l'interprétation du résultat)

Le moment que la poutre doit supporter en cas d'incendie (150.1 kNm) est beaucoup plus faible que le moment à l'ELU à froid (303.2 kNm). C'est cette réduction de la sollicitation qui permet à la structure, même affaiblie par la chaleur, de tenir.

Point à retenir : En situation d'incendie, les charges appliquées sont réduites car on ne considère qu'une fraction des charges variables.

Justifications (le pourquoi de cette étape)

Il est essentiel de déterminer la sollicitation réaliste en cas d'incendie. C'est à cette valeur que l'on comparera la résistance résiduelle de la poutre échauffée.

Points de vigilance (les erreurs à éviter)

Erreur à éviter : Utiliser le moment de l'ELU à froid (\(M_{Ed}\)) pour la vérification au feu. Cela est excessivement pénalisant et ne reflète pas la réalité d'une situation accidentelle.

Le saviez-vous ? (la culture de l'ingénieur)
Résultat Final : Le moment de calcul en situation d'incendie est \(M_{Ed,fi} = 150.1 \, \text{kN} \cdot \text{m}\).

À vous de jouer : Quel serait le moment \(M_{Ed,fi}\) (en kNm) si \(\psi_{2,1}\) valait 0.6 (zone commerciale) ?

Question 2 : Déterminer la température de l'acier d'armature \(\theta_s\) après 60 minutes

Principe avec image animée (le concept physique)
Propagation de la chaleur

Le béton est un bon isolant thermique. Lorsqu'une face est exposée au feu, la chaleur se propage lentement à travers la section. La température des aciers, qui sont enrobés de béton, augmente donc avec un certain retard. Cette température dépend de la durée de l'incendie, de la largeur de la poutre et de la distance entre l'acier et la face exposée au feu (l'enrobage, \(a\)). L'Eurocode 2 fournit des abaques issus de simulations thermiques pour estimer cette température.

Mini-Cours (approfondissement théorique)

La méthode des isothermes est une approche simplifiée. Elle consiste à utiliser des diagrammes qui donnent la position de l'isotherme 500°C (température à laquelle l'acier perd environ la moitié de sa résistance) dans une section après une certaine durée d'exposition. Toute la partie de la section "chaude" est considérée comme n'ayant plus de résistance, et on calcule la capacité de la section "froide" résiduelle. La méthode que nous utilisons ici, basée sur la température moyenne de l'acier, est encore plus simple.

Remarque Pédagogique (le conseil du professeur)

Point Clé : L'enrobage est le paramètre le plus important pour la résistance au feu. Un enrobage plus grand protège mieux les aciers, qui s'échauffent moins vite et conservent donc une meilleure résistance plus longtemps.

Normes (la référence réglementaire)

L'Eurocode 2 - Partie 1-2 (EN 1992-1-2) fournit des tableaux et des abaques pour déterminer la température dans les sections en béton. Le tableau que nous utilisons est une simplification issue de l'Annexe A de cette norme.

Hypothèses (le cadre du calcul)

On utilise une méthode tabulée simplifiée. On suppose que la poutre est en béton de granulats siliceux et que la teneur en eau est normale. On interpole linéairement dans le tableau pour trouver la température.

Formule(s) (l'outil mathématique)

Lecture dans un tableau (extrait simplifié pour R60, poutre de largeur b=300mm)

Enrobage \(a\) (mm)Température \(\theta_s\) (°C)
40520
50450
60390
Donnée(s) (les chiffres d'entrée)
  • Durée : 60 minutes
  • Largeur de la poutre : 300 mm
  • Distance à l'axe des aciers : \(a = 51 \, \text{mm}\)
Calcul(s) (l'application numérique)

Interpolation linéaire entre a=50mm et a=60mm

\[ \begin{aligned} \theta_s &= 450^\circ\text{C} - (450 - 390) \times \frac{51 - 50}{60 - 50} \\ &= 450 - 60 \times \frac{1}{10} \\ &= 450 - 6 \\ &= 444^\circ\text{C} \end{aligned} \]
Réflexions (l'interprétation du résultat)

Après 60 minutes de feu, les aciers principaux atteignent une température de 444°C. C'est une température élevée qui va significativement réduire leur résistance, comme nous allons le voir à la prochaine étape.

Point à retenir : La température des aciers dépend de la durée du feu, de la largeur de l'élément et de l'enrobage.

Justifications (le pourquoi de cette étape)

La connaissance de la température de l'acier est indispensable pour déterminer la réduction de sa résistance mécanique, qui est la clé de la vérification au feu.

Points de vigilance (les erreurs à éviter)

Erreur à éviter : Utiliser le mauvais tableau. Les températures varient beaucoup si la poutre est plus large (meilleure dissipation de chaleur) ou si c'est une dalle (exposée sur une seule face).

Le saviez-vous ? (la culture de l'ingénieur)
Résultat Final : La température estimée des aciers après 60 minutes est \(\theta_s = 444^\circ\text{C}\).

À vous de jouer : Quelle serait la température \(\theta_s\) (en °C) pour un enrobage à l'axe de 45 mm ?

Question 3 : Calculer le facteur de réduction de la limite élastique de l'acier, \(k_y(\theta)\)

Principe avec image animée (le concept physique)
Température θ Résistance 100% k_y(θ)

La résistance de l'acier (sa limite élastique) diminue fortement avec la température. L'Eurocode 2 fournit des courbes ou des formules pour calculer le facteur de réduction \(k_y(\theta)\) en fonction de la température \(\theta\). Ce facteur, compris entre 0 et 1, représente le pourcentage de résistance que l'acier conserve à une température donnée. À température ambiante, \(k_y(20^\circ\text{C}) = 1\). À 500°C, il vaut environ 0.5, ce qui signifie que l'acier a perdu la moitié de sa résistance.

Mini-Cours (approfondissement théorique)

La réduction de la résistance n'est pas linéaire. La perte est faible jusqu'à 300-400°C, puis elle s'accélère brutalement. C'est pourquoi la plage 400-600°C est critique pour la stabilité des structures en acier ou en béton armé. La formule utilisée est une simplification polynomiale de la courbe de comportement de l'acier à chaud.

Remarque Pédagogique (le conseil du professeur)

Point Clé : Ce calcul est au cœur de l'ingénierie incendie. Il traduit une donnée thermique (la température) en une donnée mécanique (la perte de résistance), ce qui permet ensuite de faire un calcul de structure classique.

Normes (la référence réglementaire)

Les formules pour le calcul du facteur de réduction \(k_y(\theta)\) pour les aciers d'armature sont données dans l'Eurocode 2 - Partie 1-2, section 3.2.2.

Hypothèses (le cadre du calcul)

On utilise la formule de l'Eurocode valable pour les aciers laminés à chaud (ce qui est le cas des barres HA) et pour des températures comprises entre 400°C et 500°C.

Formule(s) (l'outil mathématique)

Facteur de réduction pour 400°C ≤ θ ≤ 500°C

\[ k_y(\theta) = 1.0 - \frac{\theta - 400}{100} \times 0.22 \]
Donnée(s) (les chiffres d'entrée)
  • \(\theta_s = 444^\circ\text{C}\)
Calcul(s) (l'application numérique)

Calcul du facteur de réduction

\[ \begin{aligned} k_y(444^\circ\text{C}) &= 1.0 - \frac{444 - 400}{100} \times 0.22 \\ &= 1.0 - \frac{44}{100} \times 0.22 \\ &= 1.0 - 0.44 \times 0.22 \\ &= 1.0 - 0.0968 \\ &= 0.9032 \end{aligned} \]
Réflexions (l'interprétation du résultat)

À 444°C, l'acier a conservé environ 90% de sa résistance à froid. La perte de résistance est donc d'environ 10%. Cela peut sembler peu, mais nous verrons que cela a un impact direct sur la capacité portante de la poutre.

Point à retenir : La résistance de l'acier diminue avec la température. Le facteur \(k_y(\theta)\) quantifie cette perte.

Justifications (le pourquoi de cette étape)

Cette étape est cruciale pour déterminer la nouvelle limite élastique de l'acier à chaud, qui sera utilisée dans le calcul final de la résistance de la poutre.

Points de vigilance (les erreurs à éviter)

Erreur à éviter : Utiliser la mauvaise formule. L'Eurocode donne différentes formules selon la plage de température. Il faut bien vérifier que l'on utilise celle qui correspond à la température calculée.

Le saviez-vous ? (la culture de l'ingénieur)
Résultat Final : Le facteur de réduction de la résistance de l'acier est \(k_y(444^\circ\text{C}) = 0.903\).

À vous de jouer : Quel serait le facteur de réduction \(k_y(\theta)\) pour une température de 520°C (Indice: la formule pour 500-600°C est \(k_y(\theta) = 0.78 - (\theta - 500)/100 \times 0.31\)) ?

Question 4 : Déterminer la résistance de calcul de l'acier à chaud, \(f_{yd,fi}\)

Principe (le concept physique)

La résistance de calcul de l'acier en situation d'incendie, \(f_{yd,fi}\), est simplement la résistance de calcul à froid (\(f_{yd}\)) multipliée par le facteur de réduction \(k_y(\theta)\) que nous venons de calculer. Cette nouvelle valeur représente la contrainte maximale que l'acier peut supporter à la température \(\theta\).

Mini-Cours (approfondissement théorique)

Il est important de noter que la sécurité en situation d'incendie est traitée différemment. Le coefficient partiel de sécurité pour l'acier en situation d'incendie, \(\gamma_{s,fi}\), est pris égal à 1.0, contrairement à la valeur de 1.15 à froid. Cela signifie que l'on utilise la résistance caractéristique réduite par la température. La formule est donc \(f_{yk} \times k_y(\theta) / \gamma_{s,fi}\), ce qui revient à \(f_{yd} \times \gamma_s \times k_y(\theta)\). Pour simplifier, de nombreuses approches, comme celle que nous suivons, appliquent directement le facteur de réduction à \(f_{yd}\).

Remarque Pédagogique (le conseil du professeur)

Point Clé : Cette étape est une simple multiplication, mais elle est conceptuellement importante. Elle permet de passer d'un facteur de réduction abstrait à une valeur de résistance concrète en MPa, directement utilisable dans les formules de flexion.

Normes (la référence réglementaire)

La définition de la résistance de calcul en situation d'incendie est donnée dans l'Eurocode 2 - Partie 1-2, section 2.3.

Hypothèses (le cadre du calcul)

On applique la méthode simplifiée où le facteur de réduction est appliqué à la résistance de calcul à froid.

Formule(s) (l'outil mathématique)

Résistance de calcul de l'acier à chaud

\[ f_{yd,fi} = k_y(\theta) \cdot f_{yd} \]
Donnée(s) (les chiffres d'entrée)
  • \(k_y(444^\circ\text{C}) = 0.903\)
  • \(f_{yd} = 434.78 \, \text{MPa}\)
Calcul(s) (l'application numérique)

Calcul de la résistance à chaud

\[ \begin{aligned} f_{yd,fi} &= 0.903 \times 434.78 \, \text{MPa} \\ &= 392.6 \, \text{MPa} \end{aligned} \]
Réflexions (l'interprétation du résultat)

La résistance de calcul de l'acier passe de 435 MPa à 393 MPa. C'est avec cette valeur réduite que nous allons maintenant recalculer la résistance de la poutre.

Point à retenir : La résistance de calcul de l'acier à chaud est le produit de sa résistance à froid par le facteur de réduction thermique.

Justifications (le pourquoi de cette étape)

Cette étape est nécessaire pour obtenir la valeur de contrainte de l'acier qui sera utilisée dans la formule du moment résistant à chaud.

Points de vigilance (les erreurs à éviter)

Erreur à éviter : Appliquer le facteur de réduction à la mauvaise valeur (par exemple à \(f_{yk}\) directement sans diviser par \(\gamma_{s,fi}=1.0\)). Il faut être rigoureux sur la définition de la résistance de calcul.

Le saviez-vous ? (la culture de l'ingénieur)
Résultat Final : La résistance de calcul de l'acier à 444°C est \(f_{yd,fi} = 392.6 \, \text{MPa}\).

À vous de jouer : Quelle serait la résistance \(f_{yd,fi}\) (en MPa) si \(k_y(\theta)\) était de 0.75 ?

Question 5 : Calculer le moment résistant \(M_{Rd,fi}\) et conclure

Principe (la traduction du calcul en plan)

Cette étape finale est la vérification de sécurité. On recalcule le moment résistant de la section de la poutre en utilisant la même formule qu'à froid, mais en remplaçant la résistance de l'acier par sa valeur réduite à chaud (\(f_{yd,fi}\)). On obtient ainsi la capacité portante maximale de la poutre après 60 minutes de feu. Il suffit alors de comparer ce moment résistant (\(M_{Rd,fi}\)) au moment sollicitant (\(M_{Ed,fi}\)). Si la résistance est supérieure à la sollicitation, la poutre est stable.

Mini-Cours (approfondissement théorique)

La vérification de la sécurité structurale, que ce soit à froid ou à chaud, repose toujours sur le même principe fondamental : \(E_d \le R_d\), où \(E_d\) est l'effet des actions de calcul (la sollicitation) et \(R_d\) est la résistance de calcul de la structure. Dans notre cas, cela se traduit par \(M_{Ed,fi} \le M_{Rd,fi}\).

Remarque Pédagogique (le conseil du professeur)

Point Clé : La conclusion doit être claire et sans ambiguïté. Soit la condition est vérifiée et la poutre est stable pour la durée requise, soit elle ne l'est pas et des mesures correctives (augmenter l'enrobage, la section, le ferraillage...) doivent être prises.

Normes (la référence réglementaire)

La vérification de la capacité portante en situation d'incendie est l'objectif de la section 5 de l'Eurocode 2 - Partie 1-2.

Hypothèses (le cadre du calcul)

On suppose que le bras de levier interne \(z\) n'est pas affecté par la température. C'est une simplification acceptable, car la réduction de la résistance de l'acier est le phénomène prépondérant.

Formule(s) (l'outil mathématique)

Moment résistant à chaud

\[ M_{Rd,fi} = A_s \cdot f_{yd,fi} \cdot z \]

Condition de sécurité

\[ M_{Ed,fi} \le M_{Rd,fi} \]
Donnée(s) (les chiffres d'entrée)
  • \(A_s = 18.84 \, \text{cm}^2\)
  • \(f_{yd,fi} = 392.6 \, \text{MPa} = 39.26 \, \text{kN/cm}^2\)
  • \(z = 0.404 \, \text{m} = 40.4 \, \text{cm}\)
  • \(M_{Ed,fi} = 150.1 \, \text{kN} \cdot \text{m}\)
Calcul(s) (l'application numérique)

Calcul du moment résistant à chaud \(M_{Rd,fi}\)

\[ \begin{aligned} M_{Rd,fi} &= 18.84 \, \text{cm}^2 \times 39.26 \, \text{kN/cm}^2 \times 40.4 \, \text{cm} \\ &= 29885 \, \text{kN} \cdot \text{cm} \\ &= 298.9 \, \text{kN} \cdot \text{m} \end{aligned} \]

Vérification de la condition de sécurité

\[ 150.1 \, \text{kN} \cdot \text{m} \le 298.9 \, \text{kN} \cdot \text{m} \quad (\text{VÉRIFIÉ}) \]
Réflexions (l'interprétation du résultat)

La résistance de la poutre à chaud (298.9 kNm) est nettement supérieure à la sollicitation en situation d'incendie (150.1 kNm). La marge de sécurité est confortable (près de 100%). La poutre est donc bien stable au feu pour une durée de 60 minutes.

Point à retenir : La vérification au feu consiste à s'assurer que la résistance résiduelle de l'élément à chaud reste supérieure à la sollicitation en situation d'incendie.

Justifications (le pourquoi de cette étape)

C'est la conclusion de l'étude. Elle permet de valider ou d'invalider le dimensionnement de la poutre vis-à-vis de l'exigence de sécurité incendie.

Points de vigilance (les erreurs à éviter)

Erreur à éviter : Conclure trop vite. Même si la condition est vérifiée, il faut aussi s'assurer que les dispositions constructives (enrobage minimal, diamètres...) sont respectées pour que les hypothèses de calcul (notamment sur la température) soient valides.

Le saviez-vous ? (la culture de l'ingénieur)
Résultat Final : La poutre est stable au feu R60 car \(M_{Ed,fi} = 150.1 \, \text{kNm} \le M_{Rd,fi} = 298.9 \, \text{kNm}\).

À vous de jouer : La poutre serait-elle stable si le moment d'incendie \(M_{Ed,fi}\) était de 310 kNm ?


Mini Fiche Mémo : Résistance au Feu d'une Poutre

Étape Formule Clé & Objectif
1. Sollicitation d'incendie \( M_{Ed,fi} = (G_k + \psi_{2,1} Q_k) \cdot L^2 / 8 \)
Calculer le moment agissant sur la poutre en situation de feu.
2. Température de l'acier \( \theta_s = \text{f(durée, enrobage, largeur)} \)
Déterminer la température atteinte par les aciers grâce aux abaques.
3. Résistance acier à chaud \( f_{yd,fi} = k_y(\theta) \cdot f_{yd} \)
Calculer la résistance réduite de l'acier à la température \(\theta_s\).
4. Résistance de la poutre à chaud \( M_{Rd,fi} = A_s \cdot f_{yd,fi} \cdot z \)
Calculer la capacité portante résiduelle de la poutre et vérifier que \(M_{Ed,fi} \le M_{Rd,fi}\).

Outil Interactif : Calculateur de Résistance au Feu

Modifiez les paramètres pour voir leur influence sur la sécurité.

Paramètres
60 min
51 mm
Résultats
Température Acier \(\theta_s\) -
Moment Résistant \(M_{Rd,fi}\) -
Sécurité (M_Ed,fi = 150 kNm) -

Le Saviez-Vous ?

Pour les très grandes portées, comme dans les ponts, on utilise du "béton précontraint". Avant de mettre la poutre en service, on tend des câbles d'acier à l'intérieur, ce qui la comprime. Cette compression initiale compense la traction qui apparaîtra sous l'effet des charges, permettant de franchir des distances beaucoup plus grandes avec moins de matière.


Foire Aux Questions (FAQ)

Pourquoi calcule-t-on la poutre à l'ELU et pas à l'ELS ?

On calcule principalement les armatures à l'ELU pour garantir que la poutre ne se rompra pas sous des charges extrêmes (sécurité des personnes). On effectue ensuite des vérifications à l'ELS (fissuration, déformation) pour s'assurer que la poutre reste en bon état et confortable en conditions d'utilisation normales (confort des usagers).

Que se passe-t-il si on ne met pas assez d'étriers ?

Un manque d'étriers peut conduire à une rupture fragile et soudaine par effort tranchant. Des fissures inclinées apparaissent près des appuis et se propagent rapidement, menant à l'effondrement de la poutre sans signes avant-coureurs. C'est l'un des modes de rupture les plus dangereux en béton armé.


Quiz Final : Testez vos connaissances

1. Quel est le paramètre le plus efficace pour augmenter la résistance au feu d'une poutre ?

  • Ajouter plus d'aciers longitudinaux.

2. En situation d'incendie, la charge de calcul est :


Feu normalisé ISO 834
Courbe de montée en température standardisée utilisée dans le monde entier pour les essais de résistance au feu des éléments de construction. Elle représente un incendie type se développant dans un local.
Épaufrure (Spalling)
Éclatement de la surface du béton sous l'effet de la pression de la vapeur d'eau piégée à l'intérieur lors d'une montée rapide en température. Ce phénomène peut exposer directement les armatures au feu.
Enrobage (distance à l'axe 'a')
Distance entre la surface de l'élément exposée au feu et le centre de l'armature principale. C'est le paramètre clé de la protection au feu.
Stabilité au Feu (R)
Critère de performance qui exige qu'un élément porteur conserve sa capacité structurelle pendant une durée spécifiée (ex: R60 pour 60 minutes).
Fondamentaux du Génie Civil : Résistance au Feu d’une Poutre en Béton Armé

D’autres exercices de béton armé:

0 commentaires
Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *