Dimensionnement d'une Poutre en Béton Précontraint
Contexte : Pourquoi utiliser la précontrainte ?
Le béton est un matériau qui résiste très bien à la compression, mais très mal à la traction. Pour des ouvrages de grande portée (ponts, poutres de planchers industriels...), le poids propre de la poutre et les charges appliquées génèrent des contraintes de traction importantes en partie inférieure, provoquant une fissuration précoce. La précontrainteTechnique consistant à introduire des efforts de compression internes dans un matériau (le béton) avant sa mise en service, pour compenser les tractions futures., inventée par Eugène Freyssinet, consiste à tendre des câbles d'acier à haute résistance à l'intérieur de la poutre. En se relâchant, ces câbles compriment le béton. Cette "pré-compression" s'oppose aux tractions futures, empêchant ou limitant la fissuration et permettant de franchir des portées beaucoup plus grandes qu'avec du béton armé classique.
Remarque Pédagogique : Cet exercice vous guidera à travers le dimensionnement à l'État Limite de Service (ELS) d'une poutre isostatique précontrainte par post-tension. L'objectif est de trouver l'effort de précontrainte et le tracé de câble optimaux pour que la poutre respecte les contraintes admissibles dans le béton, à la fois lors de la mise en tension et en service sous charges maximales.
Objectifs Pédagogiques
- Calculer les caractéristiques géométriques d'une section en I.
- Déterminer les moments fléchissants dus aux charges permanentes et d'exploitation.
- Comprendre et appliquer les conditions de non-décompression et de limitation des contraintes de compression à l'ELS.
- Utiliser le diagramme de MagnelOutil graphique permettant de visualiser le domaine des solutions possibles (force P, excentricité e) pour un câble de précontrainte, en respectant les contraintes admissibles. pour déterminer la zone de passage du câble.
- Choisir un effort de précontrainte et une excentricité adéquats.
- Vérifier les contraintes dans la section à toutes les phases critiques.
Données de l'étude
Section transversale de la poutre
- Portée de la poutre : \(L = 25 \, \text{m}\).
- Poids volumique du béton armé : \(\gamma_{\text{béton}} = 25 \, \text{kN/m}^3\).
- Charge permanente surfacique (hors poids propre) : \(g'_{\text{k}} = 10 \, \text{kN/m}\).
- Charge d'exploitation surfacique : \(q_{\text{k}} = 15 \, \text{kN/m}\).
- Béton classe C40/50 (\(f_{\text{ck}} = 40 \, \text{MPa}\)).
- Acier de précontrainte T15,5 (\(f_{\text{pk}} = 1860 \, \text{MPa}\)).
- Rapport des tensions \(\eta = P_{\infty} / P_0 = 0.80\) (pertes de précontrainte de 20%).
- Contraintes limites en service (ELS) :
- Compression : \(\sigma_{\text{c,max}} = 0.6 \times f_{\text{ck}} = 24 \, \text{MPa}\).
- Traction : \(\sigma_{\text{c,min}} = 0 \, \text{MPa}\) (pas de décompression).
Questions à traiter
- Calculer les caractéristiques géométriques de la section : aire A, position du centre de gravité, inertie I, et modules de résistance \(Z_{\text{inf}}\) et \(Z_{\text{sup}}\).
- Calculer les moments fléchissants à mi-travée pour le poids propre (\(M_{\text{gpp}}\)), les charges permanentes additionnelles (\(M_{\text{g'}}\)) et les charges d'exploitation (\(M_{\text{q}}\)).
- Établir les quatre inéquations de contraintes à l'ELS (en fibre supérieure et inférieure, pour les moments min et max).
- Tracer le diagramme de Magnel et déterminer le domaine de solutions pour le couple (P, e).
- Choisir une force de précontrainte \(P_{\infty}\) et une excentricité \(e\) optimales.
Correction : Dimensionnement de la Poutre Précontrainte
Question 1 : Caractéristiques géométriques de la section
Principe (le concept physique)
Avant tout calcul de contrainte, il est indispensable de connaître les propriétés de la section qui résiste aux efforts. Il s'agit de son aire (qui résiste à l'effort normal), de la position de son centre de gravité (qui est l'axe neutre pour la flexion simple), et de son moment d'inertie (qui quantifie sa rigidité à la flexion). Pour une section symétrique, le centre de gravité est à mi-hauteur.
Mini-Cours (approfondissement théorique)
Pour une section composée de plusieurs rectangles, on peut calculer son inertie totale par rapport à son centre de gravité global en utilisant le théorème de Huygens : \(I_{\text{z,total}} = \sum (I_{\text{zi}} + A_i \cdot d_i^2)\), où \(I_{\text{zi}}\) est l'inertie de chaque rectangle par rapport à son propre centre de gravité, \(A_i\) son aire, et \(d_i\) la distance entre son centre de gravité et le centre de gravité global.
Remarque Pédagogique (le conseil du professeur)
Point Clé : La plus grande erreur est de se tromper dans les unités. Travaillez systématiquement en unités de base du SI (mètres, Newtons, Pascals) pour les formules, puis convertissez les résultats en unités plus parlantes (mm, kN, MPa) si nécessaire. Ici, nous utiliserons les mètres, kilonewtons et mégapascals.
Normes (la référence réglementaire)
Eurocode 2 (NF EN 1992-1-1) : Cette norme ne dicte pas les formules de géométrie des sections, qui relèvent de la mécanique pure (Résistance des Matériaux). Cependant, elle définit les propriétés des matériaux (comme le poids volumique du béton) et les règles de calcul des contraintes qui utiliseront ces caractéristiques géométriques.
Hypothèses (le cadre du calcul)
On suppose que la section est homogène et que le béton est non fissuré, ce qui est l'hypothèse de base pour les calculs à l'ELS en précontrainte. La symétrie de la section simplifie grandement les calculs en plaçant d'office le centre de gravité à mi-hauteur.
Formule(s) (l'outil mathématique)
Aire de la section :
Inertie de la section :
Position des fibres extrêmes et Modules de résistance :
Donnée(s) (les chiffres d'entrée)
- Hauteur totale, h = 1.2 m
- Largeur des semelles, b = 0.6 m
- Épaisseur des semelles, h_f = 0.2 m
- Épaisseur de l'âme, b_w = 0.15 m
Calcul(s) (l'application numérique)
Calcul de l'aire :
Calcul de l'inertie :
Calcul de la position des fibres extrêmes :
Calcul des modules de résistance :
Réflexions (l'interprétation du résultat)
La section a une inertie de 0.0672 m⁴. Cette valeur, qui représente la capacité de la poutre à résister à la flexion, est cruciale. Une inertie plus élevée signifie moins de déformation et des contraintes de flexion plus faibles pour un même moment appliqué. La forme en "I" est optimisée pour obtenir une grande inertie avec un minimum de matière.
Justifications (le pourquoi de cette étape)
Cette première étape est un prérequis indispensable. Sans l'aire (A), l'inertie (I) et les modules de résistance (Z), il est impossible de calculer les contraintes générées par les forces externes (charges) et internes (précontrainte).
Points de vigilance (les erreurs à éviter)
Inertie d'une section en T : Si la section n'était pas symétrique (poutre en T par exemple), il faudrait d'abord calculer la position du centre de gravité (y_G) avant de pouvoir calculer l'inertie avec le théorème de Huygens. Oublier cette étape est une erreur classique.
Le saviez-vous ? (la culture de l'ingénieur)
À vous de jouer !
Question 2 : Calcul des moments fléchissants
Principe (le concept physique)
La poutre est soumise à des charges qui créent un moment de flexion. On doit calculer le moment maximal à mi-travée pour une poutre simplement appuyée. On distingue le moment dû au poids propre de la poutre, celui dû aux autres charges permanentes, et celui dû aux charges d'exploitation, car ils interviennent à différentes phases de la vie de l'ouvrage.
Mini-Cours (approfondissement théorique)
Les moments sont calculés pour des combinaisons d'actions à l'État Limite de Service (ELS). La combinaison "quasi-permanente" est utilisée pour les vérifications de déformation et de fissuration à long terme, tandis que la combinaison "caractéristique" (ou "rare") est utilisée pour la vérification des contraintes, comme c'est le cas ici. Pour un bâtiment, la combinaison caractéristique est \(G_{\text{k}} + Q_{\text{k,1}} + \sum \psi_{0,i} Q_{\text{k,i}}\). Dans notre cas simple, cela revient à \(G_{\text{total}}\) (moment min) et \(G_{\text{total}} + Q_{\text{k}}\) (moment max).
Remarque Pédagogique (le conseil du professeur)
Point Clé : Séparez bien le poids propre des autres charges permanentes. Le poids propre est toujours présent, alors que les autres charges permanentes (revêtements, etc.) peuvent n'être appliquées qu'après la mise en précontrainte. Cette distinction est cruciale pour la vérification des contraintes en phase de construction.
Normes (la référence réglementaire)
Eurocode 0 (NF EN 1990) : Ce texte fondateur définit les principes des calculs de structure et les combinaisons d'actions. La section 6.5.3 détaille les combinaisons d'actions pour les états limites de service (ELS).
Hypothèses (le cadre du calcul)
On suppose que la poutre est isostatique (simplement appuyée), ce qui mène à la formule simple \(pL^2/8\). Pour une poutre continue sur plusieurs appuis, le calcul des moments serait plus complexe et nécessiterait des méthodes comme celle des 3 moments ou un calcul par logiciel.
Formule(s) (l'outil mathématique)
Moment maximal pour une charge répartie :
Donnée(s) (les chiffres d'entrée)
- Poids propre linéaire, \(g_{\text{pp}}\) (à calculer)
- Charge permanente additionnelle, \(g'_{\text{k}} = 10 \, \text{kN/m}\)
- Charge d'exploitation, \(q_{\text{k}} = 15 \, \text{kN/m}\)
- Portée, \(L = 25 \, \text{m}\)
Calcul(s) (l'application numérique)
Poids propre linéaire :
Moment dû au poids propre :
Moment dû aux charges permanentes additionnelles :
Moment dû aux charges d'exploitation :
Moment ELS minimal (charges permanentes) :
Moment ELS maximal (toutes charges) :
Réflexions (l'interprétation du résultat)
Le moment maximal que la poutre doit supporter est de 2656.3 kNm. C'est une valeur très importante, qui générerait des contraintes de traction énormes dans une poutre en béton non précontraint, conduisant à une fissuration inacceptable et nécessitant une hauteur de section beaucoup plus grande.
Justifications (le pourquoi de cette étape)
La quantification des moments fléchissants est le cœur du problème. C'est pour "combattre" ces moments que la précontrainte est mise en œuvre. Les valeurs de \(M_{\text{min}}\) et \(M_{\text{max}}\) sont les sollicitations externes que notre système de précontrainte devra contrer.
Points de vigilance (les erreurs à éviter)
Ne pas utiliser les bonnes combinaisons : Utiliser les charges de l'ELU (avec coefficients 1.35 et 1.5) pour un calcul de contraintes à l'ELS est une erreur grave. Les vérifications de contraintes en service se font avec des coefficients de 1.0 sur les charges.
Le saviez-vous ? (la culture de l'ingénieur)
À vous de jouer !
Question 3 : Établir les inéquations de contraintes à l'ELS
Principe (le concept physique)
L'objectif est de s'assurer que les contraintes dans le béton restent dans des limites acceptables à tout moment. On se place au point le plus sollicité (mi-travée) et on écrit 4 conditions : la contrainte en fibre supérieure et inférieure ne doit pas dépasser les limites admissibles, ni sous les charges minimales (charges permanentes seules), ni sous les charges maximales (permanentes + exploitation).
Mini-Cours (approfondissement théorique)
La formule de Navier (\(\sigma = M \cdot v / I\)) est au cœur de ce calcul. Elle montre que la contrainte de flexion est proportionnelle au moment appliqué (M) et à la distance à la fibre neutre (v), et inversement proportionnelle à l'inertie (I). La précontrainte ajoute deux termes : un terme de compression uniforme (\(P/A\)) et un terme de flexion "interne" (\(P \cdot e \cdot v / I\)) qui vient s'opposer à la flexion externe.
Remarque Pédagogique (le conseil du professeur)
Point Clé : Faites très attention aux signes ! Une compression est négative par convention en mécanique, mais en béton armé on la prend souvent positive. L'important est d'être cohérent. Ici, nous considérerons les compressions comme positives. Le moment des charges externes est positif (traction en bas), donc il crée des contraintes de traction (+) en bas et de compression (-) en haut. L'excentricité 'e' est positive vers le bas.
Normes (la référence réglementaire)
Eurocode 2 (NF EN 1992-1-1), Section 7.2 : Cette section définit les contraintes limites dans le béton à l'ELS. La limite de compression (\(k_1 \cdot f_{\text{ck}}\)) vise à éviter le micro-fissurage longitudinal excessif sous charges de service. La limite de traction (\(f_{\text{ctm}}\)) vise à contrôler la fissuration. Ici, on impose une condition plus sévère de non-décompression (\(\sigma_{\text{traction}} \le 0\)).
Hypothèses (le cadre du calcul)
On suppose que la section reste plane (hypothèse de Navier-Bernoulli) et que le comportement du matériau est linéaire-élastique, ce qui est acceptable pour les vérifications à l'ELS tant que les contraintes sont limitées.
Formule(s) (l'outil mathématique)
Contrainte en fibre inférieure (moment min) :
Contrainte en fibre supérieure (moment min) :
Contrainte en fibre inférieure (moment max) :
Contrainte en fibre supérieure (moment max) :
Donnée(s) (les chiffres d'entrée)
On utilise les valeurs de A, Z, M_min, M_max calculées précédemment, et les contraintes limites.
- \(A = 0.36 \, \text{m}^2\)
- \(Z = 0.112 \, \text{m}^3\)
- \(M_{\text{min}} = 1484.4 \, \text{kNm}\)
- \(M_{\text{max}} = 2656.3 \, \text{kNm}\)
- \(\sigma_{\text{c,max}} = 24 \, \text{MPa}\)
- \(\sigma_{\text{c,min}} = 0 \, \text{MPa}\)
Calcul(s) (l'application numérique)
Cette étape est purement littérale. Il s'agit de poser les équations qui seront résolues graphiquement à la question suivante. Aucun calcul numérique n'est requis ici.
Réflexions (l'interprétation du résultat)
Ces 4 inéquations définissent les frontières du "cahier des charges" de la précontrainte. Elles nous disent : "la compression en bas sous charges minimales doit rester sous la limite" (1), "la fibre supérieure ne doit pas se décomprimer sous charges minimales" (2), "la fibre inférieure ne doit pas se décomprimer sous charges maximales" (3), et "la compression en haut sous charges maximales doit rester sous la limite" (4).
Justifications (le pourquoi de cette étape)
Établir ces inéquations est l'étape de traduction du problème physique (une poutre qui doit résister) en un problème mathématique. C'est le passage obligé avant de pouvoir trouver une solution numérique ou graphique.
Points de vigilance (les erreurs à éviter)
Inverser les fibres ou les moments : Une erreur fréquente est de vérifier la contrainte en fibre inférieure avec le module de la fibre supérieure (\(Z_{\text{sup}}\)), ou d'utiliser \(M_{\text{max}}\) quand il faut utiliser \(M_{\text{min}}\). Un petit schéma de la poutre fléchie aide à visualiser quelle fibre est la plus comprimée ou la plus tendue pour chaque cas de charge.
Le saviez-vous ? (la culture de l'ingénieur)
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Question 4 : Tracer le diagramme de Magnel
Principe (le concept physique)
Le diagramme de Magnel est la représentation graphique des 4 inéquations de contraintes. En traçant ces 4 droites dans un repère (1/P, e), on délimite une zone (un polygone) à l'intérieur de laquelle tout couple (P, e) est une solution valide qui respecte les conditions de service. Cela permet de visualiser immédiatement la plage des efforts et des excentricités possibles.
Mini-Cours (approfondissement théorique)
Chaque droite du diagramme représente une contrainte limite atteinte dans une fibre (supérieure ou inférieure) pour un cas de charge (min ou max). La zone valide est donc l'intersection des quatre demi-plans définis par les inéquations. Si cette zone n'existe pas (le polygone est vide), cela signifie qu'il n'y a pas de solution avec la section de béton choisie : il faut soit augmenter ses dimensions (et donc son inertie), soit utiliser un béton plus résistant pour augmenter les contraintes admissibles.
Remarque Pédagogique (le conseil du professeur)
Point Clé : L'axe horizontal du diagramme est 1/P. Cela signifie que l'origine (P infini) est à gauche et que la force de précontrainte diminue vers la droite. La "pointe" du domaine de solution, la plus à gauche, représente donc la force de précontrainte minimale requise pour que le problème ait une solution.
Normes (la référence réglementaire)
Le diagramme de Magnel n'est pas une exigence normative en soi, mais un outil de conception extrêmement puissant découlant directement des exigences de l'Eurocode 2 (Section 7.2) sur la limitation des contraintes. Il a été développé par le professeur Gustave Magnel en Belgique.
Hypothèses (le cadre du calcul)
On trace le diagramme pour la section la plus sollicitée (mi-travée). On suppose que si une solution est trouvée pour cette section, il sera possible de trouver un tracé de câble (c'est-à-dire une variation de l'excentricité 'e' le long de la poutre) qui respecte les contraintes partout ailleurs.
Formule(s) (l'outil mathématique)
Limite supérieure pour l'excentricité (compression fibre inf, \(M_{\text{min}}\)) :
Limite supérieure pour l'excentricité (traction fibre sup, \(M_{\text{min}}\)) :
Limite inférieure pour l'excentricité (traction fibre inf, \(M_{\text{max}}\)) :
Limite inférieure pour l'excentricité (compression fibre sup, \(M_{\text{max}}\)) :
Donnée(s) (les chiffres d'entrée)
Les données sont les mêmes que pour la question 3.
- \(A = 0.36 \, \text{m}^2\)
- \(Z = 0.112 \, \text{m}^3\)
- \(M_{\text{min}} = 1484.4 \, \text{kNm}\)
- \(M_{\text{max}} = 2656.3 \, \text{kNm}\)
- \(\sigma_{\text{c,max}} = 24 \, \text{MPa}\)
- \(\sigma_{\text{c,min}} = 0 \, \text{MPa}\)
Calcul(s) (l'application numérique)
Méthodologie pour le tracé manuel du diagramme
Le traçage du diagramme de Magnel est un processus graphique qui consiste à représenter les 4 inéquations de contraintes comme des droites dans un repère spécifique. La zone où toutes les conditions sont respectées est le domaine de solution.
- Choisir le repère : On utilise un repère avec l'excentricité \(e\) en ordonnée (axe Y) et l'inverse de la force de précontrainte \(1/P\) en abscisse (axe X).
-
Calculer les points des droites limites : Pour chaque inéquation, on la traite comme une égalité (une droite). Pour tracer une droite, il suffit de calculer la valeur de 'e' pour deux points distincts de '1/P'.
Exemple pour la droite (3) : \(e = -\frac{Z}{A} + \frac{M_{\text{max}}}{P}\)
- Point 1 : Si \(P = 4000 \, \text{kN}\), alors \(1/P = 0.00025 \, \text{1/kN}\).
\(e \ge -0.311 + 2656.3/4000 = 0.353 \, \text{m}\). - Point 2 : Si \(P = 6000 \, \text{kN}\), alors \(1/P \approx 0.000167 \, \text{1/kN}\).
\(e \ge -0.311 + 2656.3/6000 = 0.132 \, \text{m}\).
- Point 1 : Si \(P = 4000 \, \text{kN}\), alors \(1/P = 0.00025 \, \text{1/kN}\).
- Tracer les droites : On relie les points calculés pour chaque inéquation pour dessiner les 4 droites frontières.
- Identifier le domaine de solution : La zone valide, ou "fuseau de Magnel", est la région du graphique qui respecte les 4 inéquations simultanément. C'est la zone comprise entre les droites "hautes" (1 et 2) et les droites "basses" (3 et 4).
Schéma de principe du Diagramme de Magnel
Ce processus est automatisé par l'outil interactif de la section suivante, qui permet de visualiser l'impact de chaque paramètre en temps réel.
Réflexions (l'interprétation du résultat)
Le diagramme montre une zone verte, ce qui signifie qu'une solution existe. Si les droites ne délimitaient aucune zone commune, la section de poutre serait insuffisante. On observe que la zone est délimitée en haut par les contraintes à M_min (droites 1 et 2) et en bas par les contraintes à M_max (droites 3 et 4).
Justifications (le pourquoi de cette étape)
Cette étape de construction graphique est fondamentale car elle transforme un système de 4 inéquations en une visualisation intuitive. Elle permet à l'ingénieur de "voir" l'ensemble des solutions possibles et de faire un choix de conception éclairé, plutôt que de simplement trouver une solution par tâtonnement.
Points de vigilance (les erreurs à éviter)
Erreur de tracé : Une erreur dans le réarrangement d'une seule des 4 formules peut mener à un diagramme complètement faux. Il est crucial de vérifier la cohérence du tracé : les droites (1) et (2) doivent limiter la zone par le haut, les droites (3) et (4) par le bas.
Le saviez-vous ? (la culture de l'ingénieur)
À vous de jouer !
Outil Interactif : Diagramme de Magnel
Cet outil trace le domaine de solutions pour le câble de précontrainte. Choisissez un point dans la zone verte (zone de solutions valides) et vérifiez les contraintes. Les paramètres sont ceux de l'exercice.
Choix de la Précontrainte
Vérification des contraintes (MPa)
Diagramme (e, 1/P)
Question 5 : Choix de la solution et Vérification
Principe (le concept physique)
Le choix optimal se situe généralement à la "pointe" du domaine de solution (la plus à gauche sur le diagramme), ce qui correspond à la force de précontrainte minimale nécessaire. Cela permet d'optimiser la quantité d'acier et de réduire les coûts. Une fois le couple (P, e) choisi dans la zone valide, on recalcule les 4 contraintes pour vérifier numériquement qu'elles sont bien dans les limites admissibles.
Mini-Cours (approfondissement théorique)
L'optimisation en précontrainte est un compromis. Une force de précontrainte plus faible (plus économique) réduit la taille du domaine de solution et donc la marge de manœuvre pour le tracé du câble. Une force plus élevée augmente cette marge mais coûte plus cher. Le choix final de l'ingénieur dépendra de nombreux facteurs : coût, facilité de mise en œuvre, sensibilité aux tolérances, etc. Le diagramme de Magnel permet de quantifier ce compromis.
Remarque Pédagogique (le conseil du professeur)
Point Clé : Dans la pratique, on ne choisit pas exactement le point théorique optimal. On choisit une force de précontrainte correspondant à un nombre entier de câbles standards (par exemple, des torons T15.5) et on s'assure que le point (P, e) résultant reste bien à l'intérieur du domaine de solution, avec une petite marge de sécurité.
Normes (la référence réglementaire)
L'Eurocode 2 ne dicte pas le choix de la solution, mais il impose la vérification. Quelle que soit la méthode de conception utilisée (diagramme de Magnel, calcul itératif...), la justification finale doit prouver, calculs à l'appui, que les contraintes pour le couple (P, e) choisi sont inférieures ou égales aux contraintes limites définies dans la norme.
Hypothèses (le cadre du calcul)
On choisit un point à l'intérieur du domaine et non sur la frontière pour garder une marge de sécurité vis-à-vis des incertitudes de calcul et de réalisation. On suppose que les pertes de précontrainte (20%) ont été estimées correctement.
Formule(s) (l'outil mathématique)
Formule générale de la contrainte :
Donnée(s) (les chiffres d'entrée)
On choisit un point dans la zone de solution de l'outil interactif :
- Force de précontrainte choisie : \(P_{\infty} = 4500 \, \text{kN}\)
- Excentricité choisie : \(e = 0.45 \, \text{m}\)
Calcul(s) (l'application numérique)
Vérification de la contrainte en fibre inférieure (moment min) :
Vérification de la contrainte en fibre supérieure (moment min) :
Vérification de la contrainte en fibre inférieure (moment max) :
Vérification de la contrainte en fibre supérieure (moment max) :
Réflexions (l'interprétation du résultat)
Les quatre contraintes calculées sont bien à l'intérieur des limites [0 ; 24] MPa. La solution choisie est donc valide. On remarque qu'aucune contrainte n'est exactement sur la limite, ce qui confirme que notre point est à l'intérieur du domaine de Magnel et non sur sa frontière, nous donnant une marge de sécurité.
Justifications (le pourquoi de cette étape)
Cette étape finale boucle le processus de conception. Après avoir utilisé un outil graphique (le diagramme) pour trouver une solution, il est impératif de la valider par un calcul numérique explicite. C'est la justification finale présentée dans une note de calcul d'ingénieur.
Points de vigilance (les erreurs à éviter)
Ne pas vérifier les 4 cas : Il ne suffit pas de vérifier une seule contrainte. Les quatre situations (fibre sup/inf, moment min/max) sont potentiellement dimensionnantes et doivent toutes être vérifiées pour s'assurer que la poutre se comportera correctement durant toute sa vie.
Le saviez-vous ? (la culture de l'ingénieur)
À vous de jouer !
Le Saviez-Vous ?
L'ingénieur français Eugène Freyssinet (1879-1962) est considéré comme le père de la précontrainte. Il a déposé ses premiers brevets en 1928. L'une de ses réalisations les plus célèbres est le Pont de Plougastel, mais c'est sur des projets comme les hangars à dirigeables d'Orly qu'il a perfectionné sa technique, en utilisant des aciers à haute résistance et en comprenant l'importance des déformations différées du béton (fluage et retrait).
Foire Aux Questions (FAQ)
Quelle est la différence entre pré-tension et post-tension ?
En pré-tension, les câbles sont tendus sur un banc de préfabrication AVANT que le béton ne soit coulé. Après durcissement, on coupe les câbles, qui transmettent leur effort au béton par adhérence. C'est courant pour les poutres préfabriquées. En post-tension, on coule le béton en laissant des gaines vides. Une fois le béton durci, on enfile les câbles dans les gaines, on les tend avec des vérins, puis on les ancre aux extrémités de la poutre. C'est la méthode utilisée pour les grands ouvrages coulés en place.
Pourquoi le tracé du câble est-il souvent parabolique ?
Le moment de flexion dû aux charges réparties est parabolique (maximum à mi-travée, nul sur appuis). Pour contrer efficacement ce moment, on donne au câble un tracé également parabolique. L'effort de précontrainte P multiplié par l'excentricité e(x) du câble crée un "moment de précontrainte" \(M_p(x) = P \cdot e(x)\) qui s'oppose au moment des charges. En donnant à e(x) une forme parabolique, on optimise l'efficacité de la précontrainte sur toute la longueur de la poutre.
Quiz Final : Testez vos connaissances
1. Si on augmente la portée de la poutre, la force de précontrainte minimale requise va :
2. L'objectif principal de la précontrainte est de :
- Précontrainte
- Technique de construction consistant à appliquer des forces de compression permanentes au béton avant sa mise en charge, afin de compenser les efforts de traction qu'il subira.
- Diagramme de Magnel
- Graphique représentant, pour une section donnée, le domaine des solutions valides pour le couple (force de précontrainte P, excentricité e) qui respectent les contraintes admissibles du béton.
- Post-tension
- Méthode de précontrainte où les câbles (tendons) sont tendus après le durcissement du béton, à l'aide de vérins.
- Excentricité (e)
- Distance entre le centre de gravité de la section en béton et le point d'application de la force de précontrainte (le centre de gravité des câbles).
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