Calcul de la résistance au poinçonnement d'une semelle en bois
Contexte : Le Poinçonnement dans les Structures Bois
Dans les structures en bois, lorsqu'un élément (comme un poteau) transmet une charge concentrée à un autre élément perpendiculairement à ses fibres (comme une semelle ou une poutre), il existe un risque d'écrasement local des fibres. Ce phénomène est appelé poinçonnementPhénomène de rupture locale d'un matériau sous l'effet d'une charge concentrée appliquée sur une petite surface. En bois, il s'agit d'un écrasement des fibres.. Il est crucial de vérifier que la contrainte de compression exercée par le poteau ne dépasse pas la résistance à la compression transversaleCapacité du bois à résister à un effort de compression appliqué perpendiculairement à la direction de ses fibres. Cette résistance est généralement bien plus faible que la résistance en compression axiale. du bois de la semelle. Cet exercice vise à appliquer la méthode de vérification de l'Eurocode 5.
Remarque Pédagogique : Le bois est un matériau orthotrope, ce qui signifie que ses propriétés mécaniques varient considérablement en fonction de la direction de la sollicitation par rapport à ses fibres. La résistance à la compression perpendiculaire au fil est un point de faiblesse caractéristique du bois et constitue une vérification systématique et essentielle dans la conception des assemblages.
Objectifs Pédagogiques
- Comprendre le phénomène de poinçonnement dans le bois.
- Identifier les paramètres influençant la résistance à la compression transversale.
- Calculer la contrainte de compression de calcul agissant sur la semelle.
- Déterminer la résistance de calcul à la compression transversale du bois.
- Appliquer la condition de non-poinçonnement selon l'Eurocode 5Norme européenne (EN 1995) qui définit les règles de conception et de calcul des structures en bois..
Données de l'étude
Schéma de l'assemblage Poteau/Semelle
- Classe de service : 2 (milieu humide, bois non exposé aux intempéries)
- Classe de durée de la charge : Permanente (plus de 10 ans)
- Coefficient partiel de sécurité pour le matériau : \(\gamma_{\text{M}} = 1.3\)
- Pour le bois C24 : \(f_{\text{c},90,\text{k}} = 2.5 \, \text{MPa}\) (résistance caractéristique à la compression transversale)
Questions à traiter
- Calculer la charge de calcul \(F_{\text{c,d}}\).
- Déterminer le coefficient de modification \(k_{\text{mod}}\) et le coefficient de poinçonnement \(k_{\text{c},90}\).
- Calculer la résistance de calcul à la compression transversale \(f_{\text{c},90,\text{d}}\).
- Calculer la contrainte de compression de calcul \(\sigma_{\text{c},90,\text{d}}\) sous le poteau.
- Vérifier la sécurité de l'assemblage vis-à-vis du poinçonnement.
Correction : Calcul de la résistance au poinçonnement
Question 1 : Charge de Calcul (\(F_{\text{c,d}}\))
Principe :
La charge de calcul (\(F_{\text{c,d}}\)), ou charge à l'État Limite Ultime (ELU), est la charge que la structure doit être capable de supporter en toute sécurité. On l'obtient en majorant la charge caractéristique (\(F_{\text{c,k}}\)) par un coefficient de sécurité (\(\gamma_{\text{G}}\)) qui couvre les incertitudes sur les charges.
Remarque Pédagogique :
Pourquoi majorer les charges ? On ne peut jamais connaître avec une certitude absolue les charges qui s'appliqueront sur une structure durant sa vie. Le coefficient \(\gamma_{\text{G}} > 1\) permet d'introduire une marge de sécurité pour tenir compte d'une éventuelle surcharge imprévue. C'est un des piliers du calcul aux états limites.
Formule(s) utilisée(s) :
Donnée(s) :
- Charge caractéristique \(F_{\text{c,k}} = 45 \, \text{kN}\)
- Coefficient de sécurité sur les charges permanentes \(\gamma_{\text{G}} = 1.35\)
Calcul(s) :
Points de vigilance :
Choisir le bon coefficient : Le coefficient \(\gamma_{\text{G}}\) dépend de la nature de la charge. Pour une charge d'exploitation (ex: personnes, mobilier), il serait de 1.5. Il est crucial de bien identifier chaque type de charge pour appliquer le bon coefficient.
Le saviez-vous ?
Question 2 : Coefficients \(k_{\text{mod}}\) et \(k_{\text{c},90}\)
Principe :
La résistance du bois n'est pas une valeur fixe. Le coefficient \(k_{\text{mod}}\) la réduit pour tenir compte de l'affaiblissement dû à l'humidité et à la durée d'application de la charge (fluage). Le coefficient \(k_{\text{c},90}\) la majore pour tenir compte du confinement bénéfique des fibres autour de la zone chargée.
Remarque Pédagogique :
Des coefficients basés sur l'expérience : Ces coefficients ne sortent pas d'une théorie pure. Ils sont le fruit de milliers d'essais en laboratoire et d'un consensus d'experts. Ils permettent de traduire des phénomènes physiques complexes (comme le fluage du bois sous charge) en facteurs de calcul simples à utiliser pour l'ingénieur.
Formule(s) utilisée(s) :
Ces coefficients sont lus dans les tableaux de l'Eurocode 5.
Donnée(s) :
- Classe de service 2, charge permanente.
- Le poteau n'est pas en extrémité de la semelle.
Détermination :
Selon les tableaux de l'Eurocode 5, pour une classe de service 2 (milieu humide) et une charge permanente, on a :
Le poteau étant considéré comme n'étant pas en extrémité, on peut prendre :
Points de vigilance :
Identifier la bonne classe : Une erreur sur la classe de service (ex: utiliser la classe 1 pour un abri de jardin non chauffé) peut conduire à surestimer la résistance du bois et à un dimensionnement dangereux. La classe de service 2 est très courante pour les charpentes abritées mais non isolées.
Le saviez-vous ?
Question 3 : Résistance de Calcul (\(f_{\text{c},90,\text{d}}\))
Principe :
La résistance de calcul (\(f_{\text{c},90,\text{d}}\)) est la valeur de résistance que l'on utilise dans les vérifications. Elle est obtenue en partant de la résistance "de laboratoire" (\(f_{\text{c},90,\text{k}}\)), qu'on ajuste aux conditions réelles (avec \(k_{\text{mod}}\) et \(k_{\text{c},90}\)) et à laquelle on applique une sécurité (en divisant par \(\gamma_{\text{M}}\)).
Remarque Pédagogique :
Une approche "pessimiste" pour la sécurité : On majore les charges (ce qui va arriver à la structure) et on minore la résistance (ce que la structure peut supporter). En s'assurant que la charge majorée reste inférieure à la résistance minorée, on garantit une double marge de sécurité, ce qui rend la conception robuste et fiable.
Formule(s) utilisée(s) :
Donnée(s) :
- \(k_{\text{mod}} = 0.60\)
- \(k_{\text{c},90} = 1.5\)
- \(f_{\text{c},90,\text{k}} = 2.5 \, \text{MPa}\)
- \(\gamma_{\text{M}} = 1.3\)
Calcul(s) :
Points de vigilance :
Ne pas oublier de coefficient : L'omission d'un seul de ces coefficients (surtout \(k_{\text{mod}}\) ou \(\gamma_{\text{M}}\)) peut conduire à une surestimation très importante de la résistance et donc à un sous-dimensionnement critique de l'assemblage.
Le saviez-vous ?
Question 4 : Contrainte de Calcul (\(\sigma_{\text{c},90,\text{d}}\))
Principe :
La contrainte est une mesure de l'intensité de la force appliquée sur une surface. Pour la calculer, on répartit uniformément la force de calcul (\(F_{\text{c,d}}\)) sur toute la surface de contact (\(A_{\text{c}}\)) entre le poteau et la semelle. Le résultat est exprimé en Mégapascals (MPa), où 1 MPa = 1 N/mm².
Remarque Pédagogique :
De la Force à la Contrainte : Une force de 1000 N peut être inoffensive si elle est répartie sur une grande surface (comme s'allonger sur un lit de clous) mais très dangereuse si elle est concentrée sur une petite surface (comme la pointe d'un seul clou). Le calcul de contrainte permet de quantifier cette "concentration" de la force, qui est le véritable indicateur du risque pour le matériau.
Formule(s) utilisée(s) :
Donnée(s) :
- \(F_{\text{c,d}} = 60750 \, \text{N}\)
- Dimensions du poteau : \(120 \, \text{mm} \times 120 \, \text{mm}\)
Calcul(s) :
Points de vigilance :
Cohérence des unités : L'erreur la plus fréquente ici est le mélange d'unités. Pour obtenir des Mégapascals (MPa) directement, il faut que la force soit en Newtons (N) et la surface en millimètres carrés (mm²). Utiliser des kN et des mm² donnerait un résultat en GPa, une erreur d'un facteur 1000 !
Le saviez-vous ?
Question 5 : Vérification de la Sécurité
Principe :
C'est le moment de vérité. On compare la contrainte que l'on applique sur le matériau (\(\sigma_{\text{c},90,\text{d}}\)) avec la contrainte maximale que le matériau peut supporter en toute sécurité (\(f_{\text{c},90,\text{d}}\)). Si la contrainte appliquée est inférieure ou égale à la résistance, l'assemblage est validé.
Remarque Pédagogique :
Le cœur du métier d'ingénieur structure : Tout le travail de calcul se résume à cette simple comparaison : "Effort agissant ≤ Effort résistant". Cette inégalité, appliquée à des centaines de points et de configurations, garantit qu'une structure est capable de remplir sa fonction sans s'effondrer. Notre exercice montre que pour les données initiales, cette condition n'est pas remplie.
Formule(s) utilisée(s) :
Vérification :
L'inégalité est fausse. La contrainte appliquée est largement supérieure à la résistance de calcul.
Points de vigilance :
Conclusion de l'ingénieur : Une non-vérification de la condition de sécurité implique que le dimensionnement n'est pas acceptable. Il faut redimensionner l'assemblage. Les solutions possibles incluent : augmenter la surface du poteau, utiliser une classe de bois plus résistante pour la semelle, ou insérer une plaque de répartition de charge en métal.
Le saviez-vous ?
Simulation Interactive du Poinçonnement
Faites varier les paramètres de l'assemblage pour voir comment ils influencent la sécurité vis-à-vis du poinçonnement. L'objectif est de rendre la contrainte inférieure à la résistance.
Paramètres de l'assemblage
Comparaison Contrainte vs Résistance
Pour Aller Plus Loin : Surface Efficace
L'Eurocode 5 permet de considérer une "surface efficace" de compression plus grande que la surface de contact stricte. Cette surface est obtenue en prolongeant la surface de contact de 30 mm de chaque côté où une répartition de la charge est possible. Ce calcul, plus favorable, est utilisé lorsque la semelle est significativement plus large que le poteau. Pour notre exercice simplifié, nous avons considéré la surface de contact stricte, ce qui est une approche conservative.
Le Saviez-Vous ?
Les structures en bois lamellé-collé peuvent atteindre des portées et des résistances comparables à celles des structures en acier ou en béton, tout en ayant une empreinte carbone bien plus faible. Le Centre Pompidou-Metz, par exemple, possède une charpente en bois spectaculaire et complexe, démontrant l'incroyable potentiel de ce matériau ancestral en ingénierie moderne.
Foire Aux Questions (FAQ)
Que se passe-t-il si la charge n'est pas centrée ?
Si la charge est excentrée, elle crée non seulement de la compression mais aussi un moment de flexion. La répartition des contraintes sous le poteau n'est plus uniforme : elle est maximale d'un côté et minimale de l'autre. Le calcul doit alors prendre en compte cette contrainte maximale, qui est bien plus élevée que la contrainte moyenne, rendant la vérification au poinçonnement plus difficile.
Pourquoi la résistance est-elle plus faible perpendiculairement aux fibres ?
Les fibres du bois agissent comme un faisceau de tubes creux (les lumens). En compression parallèle aux fibres (le long des tubes), la structure est très résistante. En compression perpendiculaire, les fibres s'écrasent et se déforment facilement, comme si l'on écrasait un paquet de pailles sur le côté. C'est cette anisotropie qui dicte une grande partie des règles de conception en construction bois.
Quiz Final : Testez vos connaissances
1. Si on augmente la largeur du poteau (en gardant la force constante), la contrainte de poinçonnement :
2. Lequel de ces facteurs a l'effet le plus défavorable sur la résistance de calcul du bois ?
Glossaire
- Poinçonnement
- Phénomène de rupture ou d'écrasement local d'un matériau sous l'effet d'une charge concentrée. En génie civil bois, il s'agit de la compression perpendiculaire aux fibres.
- Résistance à la compression transversale (\(f_{\text{c},90,\text{k}}\))
- Résistance caractéristique du bois à un effort de compression appliqué à 90° par rapport à la direction de ses fibres.
- Eurocode 5 (EN 1995)
- Norme européenne qui établit les règles de conception, de calcul et de justification des structures en bois, tant pour les bâtiments que pour les ouvrages de génie civil.
- \(k_{\text{mod}}\)
- Coefficient de modification qui tient compte de l'effet de la durée de la charge et de la classe de service (humidité) sur la résistance du bois.
D’autres exercices de Structure en bois:
0 commentaires