Résistance au feu d’un élément de structure en bois

Génie Civil : Résistance au Feu d'un Élément en Bois (Méthode Simplifiée)

Résistance au feu d'un élément de structure en bois

Contexte : Le Comportement Prévisible et Sûr du Bois face au Feu

Contrairement à une idée reçue, les structures en bois peuvent présenter une excellente résistance au feu. Lors d'un incendie, le bois développe une couche de charbon de bois en surface. Cette couche, très isolante, protège le cœur de la section qui conserve ses propriétés mécaniques. La combustion se propage vers l'intérieur à une vitesse quasi constante et prévisible, appelée vitesse de carbonisationVitesse, exprimée en mm/min, à laquelle la couche de charbon de bois progresse à l'intérieur d'une section de bois lors d'un incendie. Elle dépend de l'essence et de la masse volumique du bois.. La méthode de la section résiduelle de l'Eurocode 5 permet de calculer la capacité portante d'un élément en bois après une certaine durée d'exposition au feu.

Remarque Pédagogique : Le bois ne perd pas brusquement sa résistance comme l'acier (qui se ramollit) ou n'éclate pas comme le béton. Il perd de la section de manière lente et contrôlée. C'est ce comportement qui permet de dimensionner des structures en bois pour qu'elles restent stables le temps nécessaire à l'évacuation des occupants (critère R), par exemple R30 (30 minutes) ou R60 (60 minutes).


Objectifs Pédagogiques

  • Comprendre le principe de la méthode de la section résiduelle.
  • Calculer l'épaisseur de bois carbonisé en fonction du temps et de la vitesse de carbonisation.
  • Déterminer les dimensions de la section résiduelleSection transversale d'un élément en bois qui conserve encore ses propriétés mécaniques initiales après une certaine durée d'exposition au feu. C'est la section initiale moins la couche de bois carbonisé. efficace.
  • Calculer l'effort agissant en situation d'incendie (\(E_{d,fi}\)).
  • Vérifier la résistance de la section résiduelle vis-à-vis de cet effort.

Données de l'étude

On étudie une solive de plancher en bois massif de classe C24, de section initiale 100x300 mm. Elle est exposée au feu sur 3 faces (sa sous-face et ses deux faces latérales). On doit garantir une stabilité au feu de R 60 (60 minutes).

Schéma de la solive et de l'exposition au feu
100x300 mm Feu sur 3 faces

Données réglementaires et matérielles (Eurocode 5, partie 1-2) :

  • Classe de stabilité au feu requise : R 60 (\(t = 60 \, \text{min}\))
  • Vitesse de carbonisation pour le bois massif : \(\beta_n = 0.65 \, \text{mm/min}\)
  • Charge de calcul en situation d'incendie : \(E_{d,fi} = 15 \, \text{kN.m}\) (moment fléchissant)
  • Bois C24 : \(f_{m,k} = 24 \, \text{MPa}\)
  • Coefficient de modification pour la situation d'incendie : \(k_{mod,fi} = 1.0\)
  • Coefficient partiel de sécurité pour le matériau en situation d'incendie : \(\gamma_{M,fi} = 1.0\)

Questions à traiter

  1. Calculer la profondeur de carbonisation de calcul (\(d_{char,n}\)).
  2. Déterminer les dimensions de la section résiduelle efficace (\(b_{ef}\) et \(h_{ef}\)).
  3. Calculer la résistance en flexion de la section résiduelle (\(M_{Rd,fi}\)).
  4. Vérifier la stabilité de la solive pour la durée R 60.

Correction : Résistance au feu d'un élément de structure en bois

Question 1 : Profondeur de Carbonisation (\(d_{char,n}\))

Principe :
Temps (t) Profondeur d_char

La méthode simplifiée considère que le bois se consume à une vitesse constante \(\beta_n\). La profondeur de la couche de charbon de bois (\(d_{char,n}\)) est donc simplement cette vitesse multipliée par la durée d'exposition au feu (\(t\)).

Remarque Pédagogique :

Un modèle simple et sûr : En réalité, la vitesse de carbonisation n'est pas parfaitement constante. Elle peut ralentir légèrement à mesure que l'épaisseur de la couche de charbon isolante augmente. Cependant, la considérer comme constante est une hypothèse simple, facile à calculer et qui va dans le sens de la sécurité.

Formule(s) utilisée(s) :
\[ d_{char,n} = \beta_n \times t \]
Donnée(s) :
  • Vitesse de carbonisation \(\beta_n = 0.65 \, \text{mm/min}\)
  • Durée du feu \(t = 60 \, \text{min}\)
Calcul(s) :
\[ \begin{aligned} d_{char,n} &= 0.65 \, \text{mm/min} \times 60 \, \text{min} \\ &= 39 \, \text{mm} \end{aligned} \]
Points de vigilance :

Vitesse de carbonisation : La valeur de \(\beta_n\) dépend de l'essence et de la masse volumique. Pour du lamellé-collé, elle est légèrement plus faible (\(\beta_n = 0.70 \, \text{mm/min}\)). Pour les panneaux, elle est différente. Il faut toujours utiliser la valeur correspondant au produit utilisé.

Le saviez-vous ?
Résultat : La profondeur de carbonisation est \(d_{char,n} = 39 \, \text{mm}\).

Question 2 : Dimensions de la Section Résiduelle Efficace (\(b_{ef}\), \(h_{ef}\))

Principe :
Section initiale → Section résiduelle

La section qui résiste encore aux efforts est la section initiale de laquelle on a retiré l'épaisseur de bois carbonisé sur chaque face exposée au feu. L'Eurocode 5 ajoute une "épaisseur efficace" \(d_0\) de 7 mm pour tenir compte de la dégradation thermique du bois juste derrière le front de carbonisation. La section efficace est donc encore plus petite que la section résiduelle géométrique.

Remarque Pédagogique :

La "zone de chauffe" : Le bois n'est pas un isolant parfait. Juste derrière la couche de charbon à 300°C, le bois est chauffé et perd une partie de sa résistance bien qu'il ne soit pas encore carbonisé. L'épaisseur \(d_0\) est une manière simple et forfaitaire de prendre en compte cet affaiblissement de la "zone de chauffe".

Formule(s) utilisée(s) :
\[ d_{ef} = d_{char,n} + k_0 d_0 \quad (\text{avec } k_0=1, d_0=7\text{mm}) \]
\[ b_{ef} = b - 2 \times d_{ef} \quad (\text{feu sur 2 faces latérales}) \]
\[ h_{ef} = h - d_{ef} \quad (\text{feu sur 1 face inférieure}) \]
Donnée(s) :
  • \(d_{char,n} = 39 \, \text{mm}\)
  • Section initiale : \(b=100\,\text{mm}\), \(h=300\,\text{mm}\)
  • Exposition : 3 faces (2 latérales + 1 inférieure)
Calcul(s) :
\[ d_{ef} = 39 + 1.0 \times 7 = 46 \, \text{mm} \]
\[ b_{ef} = 100 - 2 \times 46 = 100 - 92 = 8 \, \text{mm} \]
\[ h_{ef} = 300 - 46 = 254 \, \text{mm} \]
Points de vigilance :

Nombre de faces exposées : Une erreur sur le nombre de faces exposées au feu est critique. Si la solive était encastrée dans un mur, elle ne serait exposée que sur une seule face (la sous-face), ce qui changerait radicalement le calcul de \(b_{ef}\) et \(h_{ef}\).

Le saviez-vous ?
Résultat : La section résiduelle efficace est de \(b_{ef} = 8 \, \text{mm}\) et \(h_{ef} = 254 \, \text{mm}\).

Question 3 : Résistance en Flexion de la Section Résiduelle (\(M_{Rd,fi}\))

Principe :
Section résiduelle Résistance M_Rd,fi

La capacité portante de la solive en situation d'incendie est simplement la résistance en flexion de sa section résiduelle efficace. On la calcule comme pour une section normale, mais en utilisant les dimensions efficaces (\(b_{ef}\), \(h_{ef}\)) et la résistance du matériau adaptée à la situation d'incendie (\(f_{m,d,fi}\)).

Remarque Pédagogique :

Des coefficients de sécurité différents pour le feu : En situation d'incendie, on accepte un niveau de sécurité plus faible car c'est une situation "accidentelle" et temporaire. C'est pourquoi le coefficient sur le matériau \(\gamma_{M,fi}\) est de 1.0 (contre 1.25 ou 1.3 en situation normale). On se contente de s'assurer que la structure ne s'effondre pas pendant la durée requise.

Formule(s) utilisée(s) :
\[ M_{Rd,fi} = W_{ef} \times f_{m,d,fi} \quad \text{avec} \quad W_{ef} = \frac{b_{ef} \cdot h_{ef}^2}{6} \]
\[ f_{m,d,fi} = \frac{k_{mod,fi} \times f_{m,k}}{\gamma_{M,fi}} \]
Donnée(s) :
  • \(b_{ef} = 8 \, \text{mm}\) ; \(h_{ef} = 254 \, \text{mm}\)
  • \(f_{m,k} = 24 \, \text{MPa}\) ; \(k_{mod,fi} = 1.0\) ; \(\gamma_{M,fi} = 1.0\)
Calcul(s) :
\[ f_{m,d,fi} = \frac{1.0 \times 24}{1.0} = 24 \, \text{MPa} \]
\[ W_{ef} = \frac{8 \times 254^2}{6} \approx 86021 \, \text{mm}^3 \]
\[ M_{Rd,fi} = 86021 \times 24 = 2,064,504 \, \text{N.mm} \approx 2.06 \, \text{kN.m} \]
Points de vigilance :

Ne pas oublier les unités : Le calcul du module d'inertie (\(W_{ef}\)) donne un résultat en mm³. Pour obtenir un moment en N.mm, la résistance doit être en MPa (qui est équivalent à N/mm²). La conversion finale en kN.m est une source d'erreur fréquente (division par 10^6).

Le saviez-vous ?
Résultat : La résistance en flexion de la section résiduelle est \(M_{Rd,fi} \approx 2.06 \, \text{kN.m}\).

Question 4 : Vérification de la Stabilité de la Solive

Principe :
Résistance Charge ≤ ?

L'ultime étape est de comparer la sollicitation en situation d'incendie (\(E_{d,fi}\)) à la résistance de l'élément en situation d'incendie (\(R_{d,fi}\)). Si la résistance est supérieure ou égale à la sollicitation, le critère de stabilité au feu (R 60) est satisfait.

Remarque Pédagogique :

Un résultat sans appel : La comparaison montre un déficit de résistance énorme. Cela signifie que dans la configuration étudiée, la solive s'effondrerait bien avant d'atteindre les 60 minutes requises. L'ingénieur doit impérativement revoir sa copie : augmenter la section initiale, protéger la solive, ou utiliser un bois plus dense (avec un \(\beta_n\) plus faible).

Formule(s) utilisée(s) :
\[ E_{d,fi} \le R_{d,fi} \quad \text{soit} \quad M_{d,fi} \le M_{Rd,fi} \]
Donnée(s) :
  • Sollicitation : \(M_{d,fi} = 15 \, \text{kN.m}\)
  • Résistance : \(M_{Rd,fi} = 2.06 \, \text{kN.m}\)
Calcul(s) :

On compare directement les deux valeurs :

\[ 15 \, \text{kN.m} \le 2.06 \, \text{kN.m} \]

L'inégalité est fausse.

Points de vigilance :

Charge en situation d'incendie : La charge \(E_{d,fi}\) n'est pas la même que la charge à l'ELU en situation normale. Elle est calculée avec des combinaisons d'actions spécifiques à la situation d'incendie, qui sont généralement moins sévères car on ne suppose pas la présence de toutes les charges variables (neige, vent) en même temps que l'incendie.

Le saviez-vous ?
Résultat : La condition n'est PAS VÉRIFIÉE. La solive n'assure pas la stabilité au feu R 60.

Simulation Interactive : Résistance au Feu

Faites varier les paramètres pour voir comment ils influencent la résistance au feu de la solive. L'objectif est d'obtenir une section résiduelle dont la résistance est supérieure à la sollicitation.

Paramètres de l'étude
Résistance vs Sollicitation
Résistance de la section résiduelle (\(M_{Rd,fi}\)) :
Sollicitation requise (\(M_{d,fi}\)) : 15.00 kN.m

Pour Aller Plus Loin : La Méthode des Zones

Pour des sections complexes ou des cas non couverts par la méthode simplifiée, l'Eurocode 5 propose la "méthode des zones". Elle consiste à diviser la section résiduelle en plusieurs zones rectangulaires et à sommer leurs contributions à la résistance. C'est une approche plus précise mais aussi plus complexe, souvent utilisée pour les sections en I, en caisson, ou pour des profils de carbonisation non uniformes.


Le Saviez-Vous ?

Lors d'essais au feu, on a constaté que les assemblages métalliques (boulons, plaques) sont souvent le "maillon faible" d'une structure bois. Le métal, très conducteur, chauffe rapidement, perd sa résistance et "cuit" le bois autour de lui, provoquant une rupture prématurée de l'assemblage. La protection des assemblages est donc aussi importante que celle des éléments eux-mêmes.


Foire Aux Questions (FAQ)

Que signifie le critère "E" et "I" en plus de "R" ?

La résistance au feu est souvent notée REI. R (Résistance) est la capacité portante. E (Étanchéité) est la capacité à empêcher le passage des flammes et des gaz chauds. I (Isolation) est la capacité à limiter l'échauffement de la face non exposée au feu. Pour une solive de plancher, on exige souvent un critère REI 60 pour protéger l'étage supérieur.

Le calcul est-il valable pour un feu qui s'éteint tout seul ?

Non. La méthode de l'Eurocode 5 est basée sur un "feu normalisé" qui suit une courbe de température temps/température standard et qui ne s'arrête pas. Pour analyser le comportement après l'extinction du feu (phase de refroidissement), des modèles plus complexes sont nécessaires, car le bois peut continuer à se dégrader pendant un certain temps.


Quiz Final : Testez vos connaissances

1. Si l'on protège une poutre en bois avec une plaque de plâtre "feu", quel est l'effet principal ?

2. Pour une même section et une même durée de feu, un élément exposé sur 4 faces aura une section résiduelle :


Glossaire

Vitesse de carbonisation (\(\beta_n\))
Vitesse, exprimée en mm/min, à laquelle la couche de charbon de bois progresse à l'intérieur d'une section de bois lors d'un incendie. Elle dépend de l'essence et de la masse volumique du bois.
Section résiduelle
Section transversale d'un élément en bois qui conserve encore ses propriétés mécaniques initiales après une certaine durée d'exposition au feu. C'est la section initiale moins la couche de bois carbonisé.
Eurocode 5, partie 1-2 (EN 1995-1-2)
Partie de la norme européenne de calcul des structures en bois spécifiquement dédiée au calcul du comportement au feu.
Stabilité au feu (Critère R)
Capacité d'un élément porteur à conserver sa fonction mécanique (sa capacité portante) pendant une durée spécifiée lors d'un incendie. On la note R30, R60, R90, etc., pour des durées de 30, 60, 90 minutes.
Calcul de la résistance au feu d'un élément de structure en bois (méthode simplifiée)

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