Calcul des Charges Permanentes et d’Exploitation
Contexte : Pourquoi calculer les charges ?
Avant de pouvoir dimensionner le moindre élément d'une structure (poutre, poteau, fondation), un ingénieur doit d'abord répondre à une question fondamentale : quelles sont les forces qui vont s'appliquer sur cet élément ? Cette étape, appelée "descente de charges", consiste à évaluer de manière exhaustive toutes les actions qui solliciteront la structure durant sa vie. On distingue principalement les charges permanentes (G)Charges qui agissent en permanence sur la structure, comme le poids propre des matériaux. Elles sont généralement connues avec une bonne précision., qui sont constantes dans le temps, des charges d'exploitation (Q)Charges variables liées à l'usage du bâtiment (personnes, mobilier, stockage, etc.). Elles sont estimées de manière forfaitaire par les normes., qui varient en fonction de l'utilisation du bâtiment.
Remarque Pédagogique : Cet exercice vous guidera dans le calcul détaillé des charges G et Q pour une dalle de plancher d'un bâtiment d'habitation, puis dans la détermination de la charge de calcul à l'État Limite Ultime (ELU) qui servira au dimensionnement des éléments porteurs.
Objectifs Pédagogiques
- Identifier les différentes composantes des charges permanentes (poids propre, revêtements, cloisons).
- Calculer le poids surfacique de chaque couche d'un plancher.
- Déterminer la valeur d'une charge d'exploitation à partir de la catégorie d'usage d'un local.
- Appliquer les coefficients de sécurité réglementaires pour obtenir la charge de calcul à l'ELU.
- Comprendre l'importance de cette étape initiale dans tout projet de structure.
Données de l'étude
Coupe schématique du plancher
- Poids volumique du béton armé : \(\gamma_{\text{BA}} = 25 \, \text{kN/m}^3\)
- Poids volumique du mortier de chape : \(\gamma_{\text{chape}} = 20 \, \text{kN/m}^3\)
- Poids surfacique du carrelage + colle : \(g_{\text{carrelage}} = 0.25 \, \text{kN/m}^2\)
- Charge forfaitaire pour cloisons légères (< 1.0 kN/ml) : \(g_{\text{cloisons}} = 0.50 \, \text{kN/m}^2\)
- Le local est à usage d'habitation, catégorie A.
- Coefficients de sécurité à l'ELU : \(\gamma_G=1.35\), \(\gamma_Q=1.5\).
Questions à traiter
- Calculer la valeur totale des charges permanentes surfaciques, notée \(G_k\).
- Déterminer la valeur de la charge d'exploitation surfacique, notée \(Q_k\).
- Calculer la charge de calcul à l'ELU, notée \(p_{\text{Ed}}\), appliquée sur la dalle.
Correction : Calcul des Charges Permanentes et d’Exploitation
Question 1 : Calcul des charges permanentes (\(G_k\))
Principe avec image animée (le concept physique)
Les charges permanentes représentent le poids de tout ce qui est fixe et inamovible dans la structure. Pour un plancher, cela inclut le poids propre de la dalle elle-même, ainsi que le poids de toutes les couches de finition (chape, carrelage, etc.) et des éléments non porteurs comme les cloisons légères. Le calcul consiste à additionner le poids de chaque composant.
Mini-Cours (approfondissement théorique)
Pour les éléments volumiques comme le béton ou une chape, on calcule leur poids surfacique (en \( \text{kN/m}^2 \)) en multipliant leur poids volumiquePoids d'un matériau par unité de volume (ex: en kN/m³). C'est une caractéristique intrinsèque du matériau. (en \( \text{kN/m}^3 \)) par leur épaisseur (en m). Pour les éléments déjà définis par un poids surfacique (comme le carrelage ou les cloisons forfaitaires), on utilise directement cette valeur.
Remarque Pédagogique (le conseil du professeur)
Point Clé : La rigueur est essentielle. Il faut lister toutes les couches, même les plus fines, car leur accumulation peut représenter une part non négligeable de la charge totale. Oublier une couche est une erreur fréquente.
Normes (la référence réglementaire)
L'Eurocode 1 - Partie 1-1 (NF EN 1991-1-1) fournit dans ses annexes les poids volumiques des matériaux de construction courants ainsi que les charges forfaitaires à considérer pour les cloisons.
Hypothèses (le cadre du calcul)
On suppose que les épaisseurs des couches sont constantes sur toute la surface de la dalle. La charge des cloisons est répartie uniformément sur le plancher, ce qui est une hypothèse standard pour les cloisons légères et amovibles.
Formule(s) (l'outil mathématique)
Poids surfacique d'une couche :
Charge permanente totale :
Donnée(s) (les chiffres d'entrée)
- Dalle BA : \(\gamma_{\text{BA}} = 25 \, \text{kN/m}^3\), \(e_{\text{BA}} = 0.20 \, \text{m}\)
- Chape : \(\gamma_{\text{chape}} = 20 \, \text{kN/m}^3\), \(e_{\text{chape}} = 0.05 \, \text{m}\)
- Carrelage : \(g_{\text{carrelage}} = 0.25 \, \text{kN/m}^2\)
- Cloisons : \(g_{\text{cloisons}} = 0.50 \, \text{kN/m}^2\)
Calcul(s) (l'application numérique)
Poids propre de la dalle en béton armé :
Poids de la chape :
Somme des charges permanentes :
Réflexions (l'interprétation du résultat)
Le poids propre de la dalle (5.00 kN/m²) représente la majeure partie (environ 74%) des charges permanentes. C'est presque toujours le cas dans les structures en béton. Les finitions, bien que plus légères, ajoutent tout de même 1.75 kN/m², une valeur non négligeable.
Point à retenir : Les charges permanentes s'obtiennent en additionnant le poids de chaque composant fixe de la structure et des équipements fixes.
Justifications (le pourquoi de cette étape)
Cette étape est cruciale car les charges permanentes constituent la base de chargement de la structure, présente en permanence durant toute sa durée de vie. Une sous-estimation de G peut avoir des conséquences graves sur la sécurité.
Points de vigilance (les erreurs à éviter)
Erreurs d'unités : L'erreur la plus fréquente est de mélanger les épaisseurs en cm et les poids volumiques en m³. Convertissez toujours toutes les épaisseurs en mètres avant de multiplier.
Le saviez-vous ? (la culture de l'ingénieur)
À vous de jouer : Quelle serait la valeur de \(G_k\) (en kN/m²) si l'épaisseur de la dalle était de 22 cm (0.22 m) ?
Question 2 : Détermination de la charge d'exploitation (\(Q_k\))
Principe avec image animée (le concept physique)
Les charges d'exploitation représentent le poids des éléments mobiles : personnes, mobilier, équipements, etc. Leur valeur est incertaine et variable. Plutôt que de les calculer, les normes fournissent des valeurs forfaitaires basées sur la catégorie d'usage du local (habitation, bureau, magasin, etc.). Il suffit donc d'identifier la bonne catégorie pour trouver la charge à appliquer.
Mini-Cours (approfondissement théorique)
Les valeurs données par les normes sont basées sur des décennies d'observations et de statistiques sur l'utilisation réelle des bâtiments. Elles représentent une valeur "caractéristique", c'est-à-dire une valeur qui a une faible probabilité (généralement 5%) d'être dépassée pendant la durée de vie de l'ouvrage. C'est une approche probabiliste de la sécurité.
Remarque Pédagogique (le conseil du professeur)
Point Clé : L'erreur à ne pas commettre est d'essayer d'estimer soi-même le poids des meubles et des personnes. Il faut impérativement se référer aux normes en vigueur, qui fournissent les valeurs légales à utiliser pour le calcul.
Normes (la référence réglementaire)
L'Eurocode 1 - Partie 1-1 (NF EN 1991-1-1), dans son tableau 6.2, définit les charges d'exploitation pour les différentes catégories d'usage des bâtiments. La catégorie A correspond aux locaux résidentiels.
Hypothèses (le cadre du calcul)
On suppose que le local est un salon standard sans usage particulier (comme une bibliothèque très chargée ou une salle de sport privée) qui pourrait nécessiter une charge d'exploitation plus élevée.
Formule(s) (l'outil mathématique)
Recherche dans la norme :
Donnée(s) (les chiffres d'entrée)
- Usage du local : Habitation (salon) \(\Rightarrow\) Catégorie A.
Calcul(s) (l'application numérique)
D'après le tableau 6.2 de la norme NF EN 1991-1-1, pour la catégorie A (planchers des locaux d'habitation), la charge d'exploitation uniformément répartie est :
Réflexions (l'interprétation du résultat)
La valeur de 2.0 kN/m² correspond à environ 200 kg par mètre carré. C'est une valeur forfaitaire qui couvre la présence de plusieurs personnes, de meubles lourds (bibliothèque, canapé) et d'équipements divers, répartis sur la surface du plancher.
Point à retenir : Les charges d'exploitation sont des valeurs forfaitaires qui dépendent uniquement de l'usage du local et sont données par les normes.
Justifications (le pourquoi de cette étape)
Cette étape est essentielle car elle quantifie la partie variable des sollicitations. Une structure doit être capable de supporter non seulement son propre poids, mais aussi l'usage pour lequel elle a été conçue.
Points de vigilance (les erreurs à éviter)
Se tromper de catégorie d'usage : Utiliser une charge de bureau (Catégorie B, 2.5 à 3.0 kN/m²) pour un logement, ou inversement, est une erreur de conception. Il faut toujours identifier précisément l'usage de chaque local.
Le saviez-vous ? (la culture de l'ingénieur)
À vous de jouer : Quelle serait la valeur de \(Q_k\) (en kN/m²) pour un plancher de bureau (Catégorie B) ? (Indice : cherchez la valeur normative)
Question 3 : Calcul de la charge à l'ELU (\(p_{\text{Ed}}\))
Principe avec image animée (le concept physique)
L'État Limite Ultime (ELU)État qui correspond à la ruine ou à un dommage majeur de la structure. Les calculs à l'ELU visent à garantir la sécurité des personnes. correspond à la résistance maximale de la structure. Pour garantir la sécurité, on ne calcule pas avec les charges réelles \(G_k\) et \(Q_k\), mais avec des charges "majorées" en leur appliquant des coefficients de sécuritéFacteurs par lesquels on multiplie les charges (ou divise les résistances) pour tenir compte des incertitudes et garantir un niveau de sécurité adéquat.. Ces coefficients (\(\gamma_G\) et \(\gamma_Q\)) sont plus grands que 1 et tiennent compte des incertitudes sur les valeurs des charges.
Mini-Cours (approfondissement théorique)
La philosophie de la sécurité dans les Eurocodes est semi-probabiliste. On utilise des valeurs caractéristiques pour les charges et les résistances, puis on leur applique des coefficients partiels de sécurité. Le coefficient sur les charges permanentes (\(\gamma_G = 1.35\)) est plus faible que celui sur les charges d'exploitation (\(\gamma_Q = 1.5\)) car les charges permanentes sont connues avec une bien meilleure précision.
Remarque Pédagogique (le conseil du professeur)
Point Clé : Ne confondez jamais les charges de service (\(G_k, Q_k\)) et les charges de calcul (\(G_{Ed}, Q_{Ed}\) ou \(p_{Ed}\)). Les premières servent aux vérifications en service (déformations, fissuration), les secondes servent au calcul de la résistance de la structure (ferraillage, béton).
Normes (la référence réglementaire)
L'Eurocode 0 (NF EN 1990), qui est la base de toutes les normes de calcul de structure, définit les combinaisons d'actions. La formule \(1.35 G_k + 1.5 Q_k\) est la combinaison fondamentale la plus courante pour les bâtiments.
Hypothèses (le cadre du calcul)
On suppose que les charges permanentes et d'exploitation sont les seules actions à considérer. On néglige les effets du vent, de la neige ou des séismes, ce qui est une hypothèse valide pour un plancher intérieur d'un bâtiment courant.
Formule(s) (l'outil mathématique)
Combinaison fondamentale à l'ELU :
Donnée(s) (les chiffres d'entrée)
- \(G_k = 6.75 \, \text{kN/m}^2\)
- \(Q_k = 2.0 \, \text{kN/m}^2\)
- \(\gamma_G = 1.35\)
- \(\gamma_Q = 1.50\)
Calcul(s) (l'application numérique)
Calcul de la charge totale pondérée :
Réflexions (l'interprétation du résultat)
La charge totale en service était de \(G_k + Q_k = 8.75 \, \text{kN/m}^2\). La charge de calcul à l'ELU est de \(12.11 \, \text{kN/m}^2\), soit une majoration globale d'environ 38%. C'est cette charge ultime que la dalle devra être capable de supporter sans s'effondrer.
Point à retenir : La charge de calcul à l'ELU est obtenue en majorant les charges de service par des coefficients de sécurité pour garantir la résistance de l'ouvrage.
Justifications (le pourquoi de cette étape)
Cette étape finale fournit la valeur d'entrée pour tous les calculs de dimensionnement en béton armé (calcul du moment fléchissant, de l'effort tranchant, et du ferraillage nécessaire).
Points de vigilance (les erreurs à éviter)
Inverser les coefficients : Appliquer 1.5 sur G et 1.35 sur Q est une erreur grave. Le coefficient le plus élevé s'applique toujours à l'action la plus incertaine, c'est-à-dire la charge d'exploitation Q.
Le saviez-vous ? (la culture de l'ingénieur)
À vous de jouer : Quelle serait la valeur de \(p_{\text{Ed}}\) (en kN/m²) si la charge d'exploitation \(Q_k\) était de 5.0 kN/m² (cas d'une zone de stockage) ?
Mini Fiche Mémo : Calcul des Charges sur Plancher
Étape | Formule Clé & Objectif |
---|---|
1. Charges Permanentes (G) | \( G_k = \sum (\gamma_i \cdot e_i) + \sum g_i \) Identifier et additionner le poids de tous les composants fixes. |
2. Charges d'Exploitation (Q) | \( Q_k = \text{valeur normative} \) Trouver la charge forfaitaire correspondant à l'usage du local dans la norme. |
3. Combinaison ELU | \( p_{\text{Ed}} = 1.35 G_k + 1.50 Q_k \) Appliquer les coefficients de sécurité pour obtenir la charge de calcul pour le dimensionnement. |
Outil Interactif : Calculateur de Charges
Modifiez les épaisseurs et l'usage pour voir l'impact sur les charges.
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Résultats
Le Saviez-Vous ?
Dans les gratte-ciels, le poids propre de la structure est si énorme que les poteaux des niveaux inférieurs peuvent se raccourcir de plusieurs centimètres sous l'effet de la compression. Les ingénieurs doivent anticiper ce phénomène (appelé "raccourcissement élastique") lors de la construction pour que les étages supérieurs soient parfaitement de niveau une fois le bâtiment terminé.
Foire Aux Questions (FAQ)
Pourquoi utilise-t-on une charge forfaitaire pour les cloisons ?
L'emplacement des cloisons légères dans un appartement peut changer au cours de la vie du bâtiment. Plutôt que de calculer leur poids exact à un emplacement précis, les normes imposent une charge surfacique équivalente, répartie sur tout le plancher, pour tenir compte de n'importe quelle configuration future possible.
La charge d'exploitation est-elle la même pour un balcon ?
Non. Les balcons (Catégorie A) ont une charge d'exploitation plus élevée (3.5 kN/m²) que les pièces intérieures. La norme considère qu'un balcon peut être le lieu d'un attroupement de personnes lors d'un événement, créant une charge locale très importante.
Quiz Final : Testez vos connaissances
1. Le poids d'une bibliothèque très lourde est inclus dans :
2. Si un plancher supporte des charges permanentes Gk = 5 kN/m² et d'exploitation Qk = 3 kN/m², quelle est la charge de calcul à l'ELU ?
- Charges permanentes (G)
- Charges qui agissent en permanence sur la structure, comme le poids propre des matériaux de construction, les finitions et les équipements fixes.
- Charges d'exploitation (Q)
- Charges variables liées à l'usage du bâtiment (personnes, mobilier, stockage, véhicules, etc.). Elles sont estimées de manière forfaitaire par les normes.
- État Limite Ultime (ELU)
- État qui correspond à la ruine ou à un dommage structurel majeur. Les calculs à l'ELU visent à garantir la sécurité des personnes en s'assurant que la structure ne s'effondre pas.
- Descente de charges
- Processus de calcul qui consiste à déterminer comment les charges appliquées en partie haute d'un bâtiment (toiture, planchers) sont transmises aux éléments porteurs verticaux (poteaux, murs) puis jusqu'aux fondations.
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