Calcul des Contraintes dans un Panneau Composite Stratifié
Contexte : L'analyse des composites stratifiésMatériaux constitués d'un empilement de couches minces (plis) aux orientations et propriétés variées, collées les unes aux autres..
Les matériaux composites stratifiés sont au cœur de l'ingénierie moderne, notamment dans les secteurs de pointe comme l'aéronautique, l'automobile et le sport. Leur avantage réside dans leur capacité à offrir des propriétés mécaniques exceptionnelles (rigidité, résistance) pour une masse très faible. Cependant, leur nature anisotropeSe dit d'un matériau dont les propriétés mécaniques dépendent de la direction dans laquelle elles sont mesurées. rend leur analyse plus complexe que celle des matériaux isotropes comme l'acier. Cet exercice vous guidera à travers les étapes de calcul des contraintes dans chaque couche d'un panneau composite, en utilisant la Théorie Classique des Stratifiés (TCS).
Remarque Pédagogique : Cet exercice est fondamental pour comprendre comment l'orientation des fibres dans chaque pli influence le comportement global de la structure. Vous apprendrez à passer des propriétés d'un seul pli à celles de l'ensemble du stratifié pour prédire sa réponse à un chargement mécanique.
Objectifs Pédagogiques
- Comprendre la notion d'empilement et de séquence de stratification.
- Appliquer la Théorie Classique des Stratifiés pour déterminer les matrices de rigidité [A], [B] et [D].
- Calculer les déformations et les courbures du plan médian du stratifié.
- Déterminer les contraintes dans les repères global et local pour chaque pli.
Données de l'étude
Fiche Technique du Stratifié
Caractéristique | Valeur |
---|---|
Matériau du pli | Carbone/Époxy T300/5208 |
Séquence d'empilement | [0 / 45 / -45 / 90]s |
Épaisseur d'un pli (h) | 0.125 \(\text{mm}\) |
Schéma de la Séquence de Stratification et Repères
Propriété Élastique du Pli | Symbole | Valeur | Unité |
---|---|---|---|
Module de Young longitudinal | \(E_1\) | 138 | \(\text{GPa}\) |
Module de Young transversal | \(E_2\) | 8.96 | \(\text{GPa}\) |
Module de cisaillement | \(G_{12}\) | 7.1 | \(\text{GPa}\) |
Coefficient de Poisson | \(\nu_{12}\) | 0.3 | - |
Effort normal par unité de longueur | \(N_x\) | 1000 | \(\text{N/mm}\) |
Moment de flexion par unité de longueur | \(M_x\) | -50 | \(\text{N} \cdot \text{mm/mm}\) |
Questions à traiter
- Calculer l'épaisseur totale \(H\) du stratifié.
- Déterminer les matrices de rigidité en extension [A], de couplage [B] et en flexion [D] du stratifié.
- Calculer le vecteur des déformations et courbures du plan médian \(\{\varepsilon^0, \kappa\}\).
- Calculer le tenseur des contraintes \(\{\sigma_x, \sigma_y, \tau_{xy}\}\) dans le repère global à la surface supérieure du pli à 45° (Pli 2).
- En déduire le tenseur des contraintes \(\{\sigma_1, \sigma_2, \tau_{12}\}\) dans le repère local du même pli (Pli 2).
Les bases de la Théorie Classique des Stratifiés (TCS)
La TCS est un modèle puissant qui permet de prédire le comportement mécanique d'un stratifié à partir des propriétés de ses plis individuels. Elle repose sur plusieurs hypothèses clés, notamment l'hypothèse de Kirchhoff-Love (les sections planes restent planes et perpendiculaires au plan médian après déformation).
1. Comportement d'un pli orthotrope
Pour un pli unique dans son repère local (1, 2) où l'axe 1 est aligné avec les fibres, la relation contrainte-déformation (en déformation plane) est donnée par :
\[ \begin{Bmatrix} \sigma_1 \\ \sigma_2 \\ \tau_{12} \end{Bmatrix} = \begin{bmatrix} Q_{11} & Q_{12} & 0 \\ Q_{12} & Q_{22} & 0 \\ 0 & 0 & Q_{66} \end{bmatrix} \begin{Bmatrix} \varepsilon_1 \\ \varepsilon_2 \\ \gamma_{12} \end{Bmatrix} \]
où [Q] est la matrice de rigidité réduite du pli.
2. Matrice de rigidité transformée [\(\bar{Q}\)]
Pour analyser le stratifié, nous devons exprimer la rigidité de chaque pli dans le repère global (x, y). Si un pli est orienté d'un angle \(\theta\) par rapport à l'axe x, sa matrice de rigidité [\(\bar{Q}\)] dans le repère global est obtenue par une transformation de repère de la matrice [Q].
3. Matrices [A], [B], [D]
Ces matrices relient les efforts et moments résultants aux déformations et courbures du plan médian. Elles sont calculées en intégrant les rigidités transformées [\(\bar{Q}\)] de chaque pli \(k\) sur l'épaisseur du stratifié :
\[ A_{ij} = \sum_{k=1}^{N} (\bar{Q}_{ij})_k (z_k - z_{k-1}) \]
\[ B_{ij} = \frac{1}{2} \sum_{k=1}^{N} (\bar{Q}_{ij})_k (z_k^2 - z_{k-1}^2) \]
\[ D_{ij} = \frac{1}{3} \sum_{k=1}^{N} (\bar{Q}_{ij})_k (z_k^3 - z_{k-1}^3) \]
Correction : Calcul des Contraintes dans un Panneau Composite Stratifié
Question 1 : Calculer l'épaisseur totale \(H\) du stratifié.
Principe
Le concept physique est simple : l'épaisseur totale d'un objet stratifié est la somme des épaisseurs de ses composants individuels. On additionne l'épaisseur de chaque pli pour obtenir l'épaisseur finale du panneau.
Mini-Cours
En conception composite, l'épaisseur est un paramètre de conception clé. Elle est directement liée au nombre de plis et à leur épaisseur unitaire. L'épaisseur totale influence directement la masse et les rigidités (en particulier la rigidité en flexion, qui dépend de \(H^3\)).
Remarque Pédagogique
C'est toujours la première étape d'une analyse de stratifié. Une erreur ici se répercutera sur tous les calculs suivants, notamment la détermination des coordonnées \(z_k\) des plis et des matrices de rigidité. Double-vérifiez toujours cette valeur de base.
Normes
Il n'y a pas de norme de calcul pour cette étape. La référence est la fiche technique du matériau fournie par le fabricant (par exemple Hexcel, Toray), qui spécifie l'épaisseur nominale d'un pli après polymérisation.
Formule(s)
Formule de l'épaisseur totale
Hypothèses
Le cadre de ce calcul repose sur une hypothèse simple mais importante.
- On suppose que tous les plis ont la même épaisseur nominale après cuisson.
- On néglige l'épaisseur des couches de résine interlaminaires.
Donnée(s)
Paramètre | Symbole | Valeur | Unité |
---|---|---|---|
Nombre de plis | N | 8 | - |
Épaisseur d'un pli | h | 0.125 | \(\text{mm}\) |
Astuces
Pour aller plus vite, retenez que 8 plis de 0.125 mm (soit 1/8 mm) donnent exactement 1 mm. C'est une combinaison très fréquente dans les exemples académiques pour simplifier les calculs.
Schéma (Avant les calculs)
Calcul(s)
Application numérique
Schéma (Après les calculs)
Réflexions
L'épaisseur de 1 mm est relativement faible, typique des structures secondaires en aéronautique ou des pièces de sport automobile où chaque gramme compte. Cette faible épaisseur rendra le panneau sensible aux phénomènes de flambage sous compression, un aspect qui devrait être étudié dans une analyse plus poussée.
Points de vigilance
L'erreur la plus commune est une erreur d'unité. Assurez-vous que l'épaisseur du pli est bien en millimètres si vous voulez une épaisseur totale en millimètres. Dans l'industrie, les épaisseurs de plis sont parfois données en milli-pouces ("thou").
Points à retenir
La maîtrise de cette question passe par la rétention de ces points :
- La relation directe entre le nombre de plis et l'épaisseur totale.
- L'épaisseur totale est une donnée d'entrée essentielle pour le calcul des matrices de rigidité.
Le saviez-vous ?
En production, l'épaisseur finale d'un stratifié peut varier légèrement. Elle dépend de facteurs comme le taux de fibres, la pression et la température du cycle de polymérisation. Les ingénieurs utilisent des facteurs de foisonnement ("knock-down factors") pour prendre en compte ces incertitudes.
FAQ
Voici les questions les plus fréquentes sur ce sujet.
Résultat Final
A vous de jouer
Pour une application plus robuste, on décide d'utiliser un empilement de 12 plis. Quelle serait la nouvelle épaisseur totale (en mm) ?
Question 2 : Déterminer les matrices de rigidité [A], [B] et [D].
Principe
Ces matrices représentent le cœur du comportement du stratifié. On "homogénéise" le comportement de l'empilement hétérogène en trois matrices : [A] pour la rigidité en traction/membrane (dans le plan), [D] pour la rigidité en flexion (hors du plan), et [B] qui couple ces deux comportements.
Mini-Cours
La matrice [A], appelée matrice de rigidité extensionnelle, relie les efforts dans le plan aux déformations du plan médian. La matrice [D], matrice de rigidité flexionnelle, relie les moments fléchissants aux courbures. La matrice [B], matrice de couplage, est la plus intéressante : si elle n'est pas nulle, un effort de traction simple provoquera une flexion de la plaque, et inversement.
Remarque Pédagogique
Avant tout calcul, observez la séquence d'empilement : [0/45/-45/90]s. Le "s" indique une symétrie par rapport au plan médian. Cette observation est cruciale car elle implique que tous les termes de la matrice de couplage [B] seront nuls. Identifier cela dès le début vous fait gagner un temps précieux et vous évite des calculs complexes.
Normes
Les formules de calcul des matrices [A], [B] et [D] sont standardisées et proviennent de la Théorie Classique des Stratifiés. Elles sont documentées dans tous les ouvrages de référence sur les matériaux composites, comme le "Mechanics of Composite Materials" de R. M. Jones.
Formule(s)
Formule de la matrice [A]
Formule de la matrice [B]
Formule de la matrice [D]
Hypothèses
Ce calcul est basé sur les hypothèses fondamentales de la Théorie Classique des Stratifiés :
- Les plis sont parfaitement liés entre eux (pas de glissement).
- La déformation suit l'hypothèse de Kirchhoff-Love (les sections restent planes et normales au plan médian).
- Le matériau de chaque pli est homogène et orthotrope.
Donnée(s)
Propriété | Symbole | Valeur | Unité |
---|---|---|---|
Module de Young long. | \(E_1\) | 138 | \(\text{GPa}\) |
Module de Young trans. | \(E_2\) | 8.96 | \(\text{GPa}\) |
Module de cisaillement | \(G_{12}\) | 7.1 | \(\text{GPa}\) |
Coefficient de Poisson | \(\nu_{12}\) | 0.3 | - |
Astuces
Pour les stratifiés dits "équilibrés" (autant de plis à +θ que de plis à -θ), les termes de couplage cisaillement-extension \(A_{16}\) et \(A_{26}\) sont nuls. C'est le cas ici, ce qui simplifie la matrice [A].
Schéma (Avant les calculs)
Calcul(s)
Étape 1 : Calcul des termes de la matrice de rigidité locale [Q] (en GPa)
On calcule d'abord le coefficient \(\nu_{21}\) puis les termes \(Q_{ij}\).
Étape 2 : Calcul des coordonnées \(z_k\) des interfaces (en mm)
Les coordonnées sont mesurées depuis le plan médian (z=0), qui se situe au milieu de l'épaisseur totale H=1mm. On part donc du bas du stratifié (z = -H/2 = -0.5 mm) et on remonte en ajoutant l'épaisseur de chaque pli (h = 0.125 mm) pour trouver la position de la face supérieure de chaque pli (\(z_k\)).
Pli k | Angle | \(z_{k-1}\) (bas) | Calcul | \(z_k\) (haut) |
---|---|---|---|---|
1 | 0° | -0.5 | \(-0.5 + 0.125\) | -0.375 |
2 | 45° | -0.375 | \(-0.375 + 0.125\) | -0.25 |
3 | -45° | -0.25 | \(-0.25 + 0.125\) | -0.125 |
4 | 90° | -0.125 | \(-0.125 + 0.125\) | 0 |
5 | 90° | 0 | \(0 + 0.125\) | 0.125 |
6 | -45° | 0.125 | \(0.125 + 0.125\) | 0.25 |
7 | 45° | 0.25 | \(0.25 + 0.125\) | 0.375 |
8 | 0° | 0.375 | \(0.375 + 0.125\) | 0.5 |
Comprendre le calcul des matrices transformées [\(\bar{Q}\)]
La matrice `[Q]` ne décrit la rigidité que dans le repère du pli (axes 1 et 2). Pour analyser le stratifié, nous devons "traduire" cette rigidité dans le repère commun global (x, y). Cette traduction est effectuée par des formules de transformation qui dépendent de l'angle `θ` du pli. En posant `c = cos(θ)` et `s = sin(θ)`, les formules générales sont :
Exemple de calcul pour le pli à 45°:
Pour `θ = 45°`, on a `c² = 0.5`, `s² = 0.5`, `c⁴ = 0.25`, `s⁴ = 0.25` et `s²c² = 0.25`. En appliquant cela à `\(\bar{Q}_{11}\)` :
Étape 3 : Matrices de rigidité transformées \([\bar{Q}]\) finales (en GPa)
En appliquant les formules de transformation pour chaque angle, on obtient :
Étape 4 : Calcul itératif des termes de la matrice [A] (en GPa.mm)
On somme les contributions de chaque pli. L'épaisseur \((z_k - z_{k-1})\) est constante et vaut 0.125 mm.
Étape 5 : Vérification de la nullité de la matrice [B]
On prend l'exemple du terme \(B_{11}\). La contribution des plis symétriques (ex: 1 et 8) s'annule.
Étape 6 : Calcul itératif des termes de la matrice [D] (en GPa.mm³)
On somme les contributions de chaque pli. On illustre avec \(D_{11}\).
Matrices finales (après tous les calculs)
Schéma (Après les calculs)
Réflexions
On remarque que \(A_{11} = A_{22}\), ce qui indique que le stratifié a la même rigidité en traction dans les directions x et y. C'est une caractéristique des stratifiés quasi-isotropes comme celui-ci. Cependant, pour la flexion, \(D_{11} \neq D_{22}\), ce qui montre que le stratifié n'est pas isotrope en flexion.
Points de vigilance
L'erreur la plus fréquente est une faute de signe dans les coordonnées \(z_k\). Le plan médian est à z=0, les plis en dessous ont des z négatifs, ceux au-dessus des z positifs. Une erreur de signe sur z ne change pas [A] ou [D] (à cause des termes \(z^2\) et \(z^3-z_{k-1}^3\) pour un empilement symétrique) mais peut rendre une matrice [B] faussement non-nulle.
Points à retenir
- Un stratifié symétrique a une matrice de couplage [B] nulle.
- Les matrices [A] et [D] décrivent respectivement les rigidités en membrane et en flexion.
- Le calcul dépend des propriétés du pli, de l'orientation de chaque pli, et de sa position dans l'épaisseur.
Le saviez-vous ?
Certaines conceptions avancées, comme les ailes d'avion à grand allongement, utilisent intentionnellement des stratifiés non-symétriques. Le couplage flexion-torsion (induit par une matrice [B] non-nulle) permet à l'aile de se tordre de manière passive sous l'effet des charges aérodynamiques, optimisant ainsi les performances. C'est ce qu'on appelle l'aéroélasticité passive.
FAQ
Questions fréquentes sur les matrices de rigidité.
Résultat Final
A vous de jouer
Si l'empilement était [0/90/0/90] (non-symétrique), la matrice [B] serait-elle nulle ?
Question 3 : Calculer le vecteur des déformations et courbures \(\{\varepsilon^0, \kappa\}\).
Principe
Le concept est analogue à la loi de Hooke (\(\sigma = E \varepsilon\)) mais à l'échelle de la plaque. On relie les efforts et moments appliqués (les "causes") aux déformations et courbures du plan médian (les "effets") via la matrice de rigidité du stratifié [ABD]. Il s'agit d'inverser la relation pour trouver les effets à partir des causes.
Mini-Cours
Le vecteur \(\{\varepsilon^0\}\) représente les déformations de membrane (allongement/cisaillement) du plan médian (z=0). Le vecteur \(\{\kappa\}\) représente les courbures de la plaque. \(\kappa_x\), par exemple, est la courbure de la plaque dans le plan (x,z). Ces six valeurs décrivent entièrement la cinématique de la plaque selon la TCS.
Remarque Pédagogique
Puisque notre matrice [B] est nulle, le problème est "découplé". Cela signifie que les efforts de membrane {N} ne causent que des déformations de membrane \(\{\varepsilon^0\}\), et les moments {M} ne causent que des courbures \(\{\kappa\}\). On peut donc résoudre deux systèmes 3x3 indépendants, ce qui est beaucoup plus simple qu'un système 6x6.
Normes
Cette étape est une application directe de l'algèbre matricielle à la loi de comportement issue de la Théorie Classique des Stratifiés. Les conventions de signes pour les efforts, moments et courbures sont standardisées dans la communauté de la mécanique des composites.
Formule(s)
Loi de comportement du stratifié
Formes inversées (si [B] = [0])
Hypothèses
On se place dans le cadre d'un comportement linéaire élastique. On suppose que les efforts et moments sont appliqués de manière uniforme sur les bords de la plaque.
Donnée(s)
Paramètre | Symbole | Valeur | Unité |
---|---|---|---|
Vecteur effort | {N} | {1000; 0; 0} | \(\text{N/mm}\) |
Vecteur moment | {M} | {-50; 0; 0} | \(\text{N} \cdot \text{mm/mm}\) |
Matrice [A] | [A] | \(\begin{bmatrix} 59.25 & 16.35 & 0 \\ 16.35 & 59.25 & 0 \\ 0 & 0 & 19.85 \end{bmatrix}\) | \(\text{GPa} \cdot \text{mm}\) |
Matrice [D] | [D] | \(\begin{bmatrix} 4.90 & 1.22 & 0.35 \\ 1.22 & 2.50 & 0.35 \\ 0.35 & 0.35 & 1.70 \end{bmatrix}\) | \(\text{GPa} \cdot \text{mm}^3\) |
Astuces
L'inversion de matrices 3x3 peut être fastidieuse à la main. Pour un examen, il est probable que les matrices [A] et [D] soient diagonales ou que leur inverse soit donné. Dans la pratique, on utilise toujours un logiciel (Matlab, Python, Excel) pour cette étape.
Schéma (Avant les calculs)
Calcul(s)
Étape 1 : Cohérence des unités
Les matrices [A] et [D] sont en GPa·mm et GPa·mm³. Pour être cohérentes avec les efforts en N/mm, on les convertit en N/mm et N·mm en multipliant par 1000 (1 GPa = 1000 MPa = 1000 N/mm²).
Étape 2 : Inversion des matrices de rigidité
On calcule l'inverse de [A] et [D]. Pour une matrice 2x2 \(\begin{bmatrix} a & b \\ c & d \end{bmatrix}\), l'inverse est \(\frac{1}{ad-bc}\begin{bmatrix} d & -b \\ -c & a \end{bmatrix}\). Pour le terme (3,3), l'inverse est simplement \(1/A_{33}\). L'inverse de [D] est calculé numériquement.
Étape 3 : Calcul du vecteur des déformations du plan médian
Étape 4 : Calcul du vecteur des courbures
Schéma (Après les calculs)
Réflexions
Le résultat \(\varepsilon_y^0 = -0.0050\) est intéressant : bien qu'on tire uniquement dans la direction x, la plaque se contracte dans la direction y. C'est l'effet Poisson, capturé par les termes non-diagonaux de la matrice [A]. De même, la courbure \(\kappa_y\) n'est pas nulle, illustrant l'anisotropie en flexion.
Points de vigilance
Attention aux unités ! Les efforts {N} sont souvent en N/mm et les moments {M} en N·mm/mm. Les propriétés matériaux E, G sont en GPa (soit \(10^3\) N/mm²). Il faut être très rigoureux pour que les unités soient cohérentes avant d'effectuer les produits matriciels.
Points à retenir
- La relation fondamentale \(\{N,M\} = [ABD]\{\varepsilon^0, \kappa\}\) et son inversion.
- Le découplage pour les stratifiés symétriques simplifie la résolution.
- Les déformations et courbures du plan médian sont la clé pour ensuite trouver les contraintes dans chaque pli.
Le saviez-vous ?
Les satellites déploient souvent de grandes structures (antennes, panneaux solaires) qui sont stockées enroulées. Celles-ci sont conçues avec des matériaux composites bistables : elles ont deux formes stables sans contrainte, l'une enroulée et l'autre déployée. Ce comportement est obtenu en jouant sur les contraintes résiduelles de fabrication dans des stratifiés non-symétriques.
FAQ
Questions fréquentes sur cette étape.
Résultat Final
A vous de jouer
Si l'effort \(N_x\) était doublé (2000 N/mm), que deviendrait la déformation \(\varepsilon_x^0\) (sans unité) ?
Question 4 : Calculer les contraintes globales \(\{\sigma_x, \sigma_y, \tau_{xy}\}\) pour le pli à 45°.
Principe
Une fois la déformation globale de la plaque connue (via \(\varepsilon^0\) et \(\kappa\)), on peut "zoomer" sur n'importe quel point de n'importe quel pli. La déformation en un point dépend de sa position en z, puis la loi de comportement du pli (\([\bar{Q}]\)) nous donne la contrainte en ce point.
Mini-Cours
La déformation varie linéairement à travers l'épaisseur du stratifié. C'est une conséquence directe de l'hypothèse de Kirchhoff-Love. La contrainte, en revanche, varie de manière discontinue (par sauts) à chaque interface entre deux plis, car la matrice de rigidité \([\bar{Q}]\) change brusquement.
Remarque Pédagogique
C'est l'étape la plus importante pour l'ingénieur, car elle permet de connaître l'état de contrainte réel dans chaque couche. On pourra ensuite comparer ces contraintes aux limites de résistance du matériau pour prédire si le pli va rompre ou non.
Normes
Les formules utilisées sont encore une fois des piliers de la TCS, universellement reconnues dans le domaine de l'ingénierie des composites.
Formule(s)
Formule de la déformation en fonction de z
Formule de la contrainte globale
Hypothèses
Nous restons dans le cadre des hypothèses de la TCS, en ajoutant que la contrainte est calculée dans le repère global (x,y) du stratifié.
Donnée(s)
Paramètre | Valeur |
---|---|
Position z (surf. sup. pli 2) | -0.25 \(\text{mm}\) |
Matrice \([\bar{Q}]_{\text{45°}}\) | \(\begin{bmatrix} 45.6 & 37.2 & 32.7 \\ 37.2 & 45.6 & 32.7 \\ 32.7 & 32.7 & 35.8 \end{bmatrix}\) \(\text{GPa}\) |
Vecteur déformation \(\{\varepsilon^0\}\) | \(\{0.0183; -0.0050; 0\}\) |
Vecteur courbure \(\{\kappa\}\) | \(\{-0.0113; 0.0048; 0.0016\}\) \(\text{mm}^{-1}\) |
Astuces
Pour trouver les contraintes maximales dans un pli, il faut toujours regarder ses surfaces supérieure et inférieure (les deux valeurs de z extrêmes), car la déformation varie linéairement.
Schéma (Avant les calculs)
Calcul(s)
Calcul de la déformation à z = -0.25 mm
Calcul des contraintes globales
Schéma (Après les calculs)
Réflexions
Les valeurs de contraintes sont élevées, ce qui est typique pour des matériaux composites à haute performance. La contrainte de cisaillement \(\tau_{xy}\) est importante et non-nulle, ce qui montre que le pli à 45° travaille principalement en cisaillement dans le repère de la plaque.
Points de vigilance
La principale erreur est d'oublier d'utiliser la matrice de rigidité TRANSFORMÉE \([\bar{Q}]\) et non la matrice locale [Q]. Chaque pli doit être traité avec sa propre matrice \([\bar{Q}]\) correspondant à son angle.
Points à retenir
- La déformation varie linéairement avec z.
- La contrainte est \([\bar{Q}]\) fois la déformation.
- Il faut utiliser la bonne matrice \([\bar{Q}]\) pour le bon pli.
Le saviez-vous ?
À l'interface entre deux plis d'orientations différentes, il existe des contraintes dites "de bord de plaque" (\(\sigma_z, \tau_{xz}, \tau_{yz}\)) que la TCS (qui est une théorie 2D) ne peut pas prédire. Ces contraintes peuvent être très élevées et sont souvent à l'origine du délaminage (la séparation des plis).
FAQ
Question fréquente sur le calcul des contraintes.
Résultat Final
A vous de jouer
Quelle serait la déformation \(\varepsilon_x\) sur la face inférieure du même pli (z = -0.375 mm) ?
Question 5 : Calculer les contraintes locales \(\{\sigma_1, \sigma_2, \tau_{12}\}\) pour le pli à 45°.
Principe
Cette étape est une simple transformation de repère. On a calculé les contraintes dans le repère global (x,y) de la plaque, mais pour savoir si le matériau lui-même (les fibres, la résine) résiste, il faut connaître les contraintes dans son propre repère (1,2), où l'axe 1 est aligné avec les fibres.
Mini-Cours
\(\sigma_1\) représente la traction/compression subie par les fibres. C'est généralement dans cette direction que le matériau est le plus résistant. \(\sigma_2\) représente la traction/compression subie par la résine (transverse aux fibres). \(\tau_{12}\) est le cisaillement dans le plan du pli, supporté principalement par la résine. La résine étant beaucoup plus fragile que les fibres, les contraintes \(\sigma_2\) et \(\tau_{12}\) sont souvent les plus critiques.
Remarque Pédagogique
C'est l'aboutissement de toute la chaîne de calcul. Ces valeurs \(\sigma_1, \sigma_2, \tau_{12}\) sont celles que l'on va injecter dans un critère de rupture (par exemple, Tsai-Wu ou Hashin) pour obtenir un "facteur de réserve" qui nous dira si la pièce est suffisamment dimensionnée ou si elle risque de casser.
Normes
Les formules de transformation des contraintes sont issues de la mécanique des milieux continus (cercle de Mohr). Elles sont universelles et ne sont pas spécifiques aux composites.
Formule(s)
Relation de transformation des contraintes
Matrice de transformation [T]
Hypothèses
Aucune nouvelle hypothèse n'est nécessaire. Il s'agit d'un post-traitement des résultats de la question précédente.
Donnée(s)
Paramètre | Valeur |
---|---|
\(\{\sigma\}_{\text{global}}\) | {714.4; 441.7; 205.1} \(\text{MPa}\) |
Angle \(\theta\) | 45° |
Astuces
Pour \(\theta=45°\), \(c=s=\sqrt{2}/2\), donc \(c^2=s^2=0.5\) et \(sc=0.5\). La matrice de transformation se simplifie, ce qui facilite le calcul mental ou à la main.
Schéma (Avant les calculs)
Calcul(s)
Calcul de la contrainte locale \(\sigma_1\)
Calcul de la contrainte locale \(\sigma_2\)
Calcul de la contrainte locale \(\tau_{12}\)
Schéma (Après les calculs)
Réflexions
La contrainte dans l'axe des fibres \(\sigma_1\) est maintenant la plus élevée (783.2 MPa). Cependant, la contrainte transverse \(\sigma_2\) est également très importante (372.9 MPa). La résistance transverse d'un pli carbone/époxy étant très faible (de l'ordre de 40-60 MPa), il est certain que ce pli subira une rupture de la matrice (micro-fissuration).
Points de vigilance
Attention aux signes dans la matrice de transformation, en particulier pour le calcul de \(\tau_{12}\). Une erreur fréquente est d'oublier le signe négatif devant le terme \(2sc\) pour \(\sigma_2\) et devant \(sc\) pour \(\tau_{12}\).
Points à retenir
- Les contraintes locales (\(\sigma_1, \sigma_2, \tau_{12}\)) sont nécessaires pour évaluer la tenue mécanique du pli.
- La transformation de repère est une étape indispensable du post-traitement.
- Les contraintes les plus critiques ne sont pas toujours celles dans l'axe des fibres.
Le saviez-vous ?
Le concept de "First Ply Failure" (rupture du premier pli) est central en conception composite. On considère souvent qu'une structure a atteint sa limite de service dès que le premier pli se fissure, même si le stratifié dans son ensemble peut encore supporter une charge plus élevée avant la rupture totale.
FAQ
Question fréquente sur les contraintes locales.
Résultat Final
A vous de jouer
Pour un pli à 0°, quelle serait la relation entre les contraintes globales et locales ?
Outil Interactif : Influence de l'Orientation d'un Pli
Ce simulateur vous permet de voir comment les termes de la matrice de rigidité [\(\bar{Q}\)] d'un seul pli Carbone/Époxy changent en fonction de son orientation \(\theta\) par rapport à un axe de chargement.
Paramètres d'Entrée
Rigidités Transformées (GPa)
Quiz Final : Testez vos connaissances
1. Qu'est-ce que la matrice [B] représente dans la théorie des stratifiés ?
2. Pour quel type de stratifié la matrice [B] est-elle toujours nulle ?
3. Dans quel repère les critères de rupture (Tsai-Hill, Tsai-Wu) sont-ils généralement appliqués ?
4. Un stratifié [0/90]s est...
5. Que signifie l'hypothèse de Kirchhoff-Love pour la déformation \(\varepsilon_z\) ?
- Anisotropie
- Caractéristique d'un matériau dont les propriétés physiques, notamment mécaniques, varient selon la direction considérée. C'est le contraire de l'isotropie.
- Matrice ABD
- Matrice 6x6 qui décrit la relation entre les efforts/moments et les déformations/courbures pour un stratifié. Elle est composée de la matrice de rigidité en extension [A], de couplage [B] et en flexion [D].
- Pli (ou Couche)
- Composant de base d'un matériau composite stratifié, consistant en une fine couche de fibres (ex: carbone, verre) noyées dans une matrice (ex: résine époxy).
- Stratifié
- Assemblage de plusieurs plis superposés et collés, dont les orientations de fibres sont choisies pour obtenir les propriétés mécaniques désirées pour l'ensemble de la pièce.
- Théorie Classique des Stratifiés (TCS)
- Modèle d'analyse pour les plaques composites minces qui permet de calculer le comportement mécanique global du stratifié à partir des propriétés de chaque pli.
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