Normes et Propriétés des Aciers
Les aciers sont parmi les matériaux les plus utilisés dans le monde moderne en raison de leur polyvalence, de leur résistance et de leur coût relativement faible. Comprendre leurs normes, leurs propriétés et leur comportement est essentiel dans de nombreux domaines, notamment le génie civil, la mécanique et la fabrication. Ce cours explore les aspects fondamentaux qui régissent la classification, la sélection et l'utilisation des aciers.
Sommaire
1. Introduction aux Aciers
L'acier est un alliage métallique dont le composant principal est le fer, avec une teneur en carbone généralement comprise entre \(0.02 \, \%\) et \(2.1 \, \%\) en poids. Pour un étudiant novice, imaginez l'acier comme un "mélange" intelligent de fer, qui est un métal de base, et d'une petite quantité de carbone. Ce carbone est crucial, un peu comme une épice qui rend le plat plus intéressant : il rend le fer beaucoup plus solide et résistant. On peut aussi ajouter d'autres "ingrédients" (d'autres métaux comme le chrome, le nickel, etc.) pour donner à l'acier des super-pouvoirs, comme ne pas rouiller (acier inoxydable) ou résister à de très hautes températures.
La fabrication de l'acier se fait principalement en chauffant du minerai de fer (la roche d'où l'on extrait le fer) et, de plus en plus, en faisant fondre de la vieille ferraille (métal recyclé). C'est un processus industriel appelé sidérurgie.
2. Structure et Composition des Aciers : Le Cœur du Matériau
Ce qui rend l'acier si spécial, ce n'est pas seulement ce qu'il y a dedans (sa composition chimique), mais aussi comment ses atomes sont arrangés (sa structure cristalline) et comment les différentes "parties" (les constituants) se mélangent. Ces arrangements changent avec la température et la quantité de carbone.
2.1 Allotropie du Fer : Le Fer Change de Forme
Le fer pur a une particularité étonnante : il peut changer la façon dont ses atomes sont empilés juste en changeant de température. C'est comme un jeu de construction où les mêmes briques peuvent former différentes structures selon la température. On appelle ça l'allotropie.
- Fer \(\alpha\) (ferrite) : Quand il fait froid (jusqu'à \(912 \, \text{°C}\)), les atomes de fer forment une structure cubique centrée (CC). Imaginez un cube avec un atome à chaque coin et un exactement au centre. Dans cette forme, le fer ne peut pas "cacher" beaucoup d'atomes de carbone.
- Fer \(\gamma\) (austénite) : Quand on chauffe entre \(912 \, \text{°C}\) et \(1394 \, \text{°C}\), les atomes de fer changent de structure pour former un cube à faces centrées (CFC). Là, il y a un atome à chaque coin et un au centre de chaque face du cube. Cette structure a plus de "trous" où les atomes de carbone peuvent se loger, donc elle peut dissoudre beaucoup plus de carbone. C'est une phase très importante pour les traitements thermiques.
- Fer \(\delta\) : À très haute température, juste avant de fondre (\(1538 \, \text{°C}\)), le fer reprend une structure cubique centrée (CC).
Schéma simplifié montrant les différentes structures cristallines du fer pur en fonction de la température.
2.2 Constituants des Aciers : Les "Pièces" dans le Mélange
Quand l'acier refroidit après avoir été chauffé, ou selon sa composition, il se forme différentes "pièces" microscopiques, appelées constituants ou phases. C'est un peu comme les différents ingrédients d'une recette qui se combinent pour donner la texture finale.
- Ferrite (\(\alpha\)) : C'est la phase principale de l'acier à basse température. C'est du fer \(\alpha\) avec juste un tout petit peu de carbone dissous. C'est une phase assez douce et facile à déformer (ductile).
- Austénite (\(\gamma\)) : C'est la phase stable à haute température (fer \(\gamma\)). Elle peut contenir beaucoup plus de carbone. Dans certains aciers spéciaux (comme certains aciers inoxydables), on arrive à la maintenir stable même à température normale.
- Cémentite (\(\text{Fe}_3\text{C}\)) : C'est un composé de fer et de carbone. Contrairement à la ferrite, c'est une phase très, très dure et cassante. Elle ressemble à de petits cristaux.
- Perlite : C'est un mélange qui se forme quand l'austénite refroidit lentement. Elle a une structure en "lames" alternées de ferrite (douce) et de cémentite (dure). C'est un constituant très courant dans les aciers.
- Bainite : Se forme lors d'un refroidissement un peu plus rapide que pour la perlite. Sa structure est plus "en aiguilles".
- Martensite : C'est la phase la plus dure qu'on obtient en refroidissant très rapidement l'austénite (trempe). Le carbone est "piégé" dans une structure déformée du fer. Elle est très dure mais aussi très fragile.
La façon dont ces constituants sont présents et arrangés (la microstructure) est ce qui donne à l'acier ses propriétés finales : est-il dur ? Facile à plier ? Résistant aux chocs ?
3. Classification et Normes des Aciers : Parler le Même Langage
Comme il existe une immense variété d'aciers, il est essentiel d'avoir des règles et des systèmes pour les identifier et les classer. C'est le rôle des normes. Elles permettent aux ingénieurs, fabricants et constructeurs du monde entier de savoir exactement de quel type d'acier ils parlent et quelles sont ses propriétés garanties.
3.1 Systèmes de Normalisation : Les "Annuaires" des Aciers
Plusieurs organisations définissent ces normes. Les plus importantes sont :
- ISO (Organisation Internationale de Normalisation) : C'est l'organisation mondiale qui établit des normes pour à peu près tout, y compris les aciers. Leurs normes sont reconnues partout.
- EN (Normes Européennes) : Ce sont les normes utilisées dans les pays d'Europe. Elles sont souvent basées sur les normes ISO mais adaptées aux spécificités européennes. Par exemple, la norme EN 10025 définit les aciers pour la construction, et EN 10027 donne les règles pour nommer les aciers.
- ASTM (American Society for Testing and Materials) : Une organisation américaine dont les normes sont très influentes, même en dehors des États-Unis.
- JIS (Japanese Industrial Standards) : Les normes japonaises.
- AFNOR (Association Française de NORmalisation) : L'organisme de normalisation en France, qui reprend souvent les normes européennes (EN).
Quand on voit une désignation comme "Acier S355J2", c'est une norme (ici, EN 10025) qui nous dit que c'est un acier de construction (S), avec une limite d'élasticité minimale de \(355 \, \text{MPa}\), et une bonne résilience à basse température (J2).
3.2 Classification selon la Composition : Avec ou Sans "Extras"
La manière la plus simple de classer les aciers est par ce qu'ils contiennent :
- Aciers non alliés (ou aciers au carbone) : Ce sont les aciers "de base", contenant principalement du fer et du carbone. La quantité de carbone est le critère principal pour les distinguer (bas carbone pour les aciers doux et faciles à souder, moyen carbone pour les aciers plus résistants, haut carbone pour les aciers durs mais fragiles).
- Aciers alliés : Ces aciers contiennent d'autres éléments en quantités significatives (chrome, nickel, molybdène...). Ces ajouts leur donnent des propriétés améliorées par rapport aux aciers au carbone.
- Aciers faiblement alliés : Ils ont une petite quantité d'éléments d'alliage (moins de \(5 \%\)). Ils sont plus résistants que les aciers au carbone tout en restant relativement faciles à travailler.
- Aciers fortement alliés : Ils contiennent une grande quantité d'éléments d'alliage (plus de \(5 \%\)). Cela leur confère des propriétés exceptionnelles pour des usages spécifiques, comme les aciers inoxydables (beaucoup de chrome) ou les aciers pour outils très durs.
3.3 Classification selon l'Utilisation ou les Propriétés : À Chaque Usage son Acier
On peut aussi classer les aciers par l'usage auquel ils sont destinés :
- Aciers de construction : Ils sont faits pour construire des bâtiments, des ponts, des charpentes. Ils doivent être solides, faciles à souder sur un chantier et ne pas casser brutalement sous un choc (avoir une bonne ténacité).
- Aciers à outils : Utilisés pour fabriquer des outils (forets, matrices, couteaux industriels). Ils doivent être très durs pour résister à l'usure et souvent supporter des températures élevées.
- Aciers inoxydables : Leur super-pouvoir est de ne pas rouiller ! C'est grâce à une quantité importante de chrome (plus de \(10.5 \%\)). On les trouve partout, de la cuisine aux structures dans des environnements corrosifs. Il en existe différentes "familles" selon leur structure.
- Aciers électriques : Ils ont des propriétés magnétiques spéciales et sont utilisés dans les transformateurs ou les moteurs électriques.
- Aciers pour ressorts : Ils peuvent se déformer beaucoup sous une charge et reprendre leur forme initiale sans se déformer de façon permanente.
4. Propriétés Mécaniques Clés des Aciers : Comment ils Résistent
Les propriétés mécaniques nous disent comment l'acier se comporte quand on lui applique des forces (des contraintes). Pour les connaître, on fait des tests en laboratoire qui sont définis par les normes.
4.1 Essai de Traction : Tirer jusqu'à la Rupture
L'essai de traction est le test le plus courant. On prend une petite pièce d'acier de forme standard (une éprouvette) et on tire dessus progressivement jusqu'à ce qu'elle casse. On enregistre la force appliquée et l'allongement de l'éprouvette pour tracer une courbe.
Schéma simplifié de la courbe contrainte (\(\sigma\)) - déformation (\(\epsilon\)) d'un acier, montrant les points clés comme la limite d'élasticité et la résistance à la traction.
Points clés de la courbe contrainte-déformation :
- Limite d'élasticité (\(R_e\) ou \(R_{p0.2}\)) : C'est le seuil ! Tant que la contrainte est en dessous de cette limite, si on arrête de tirer, l'acier reprend sa forme initiale (déformation élastique). Au-delà, il commence à se déformer de façon permanente (déformation plastique). Pour beaucoup d'aciers, on mesure une limite "conventionnelle" (\(R_{p0.2}\)) quand il y a \(0.2 \%\) de déformation permanente.
- Résistance à la traction (\(R_m\)) : C'est la contrainte maximale que l'acier peut supporter avant de commencer à "mincir" localement (on appelle ça la striction) et de se préparer à casser. C'est la force maximale qu'il peut encaisser divisée par sa section initiale.
- Allongement à la rupture (\(A\%\)) : On mesure de combien l'éprouvette s'est allongée en pourcentage par rapport à sa longueur initiale au moment où elle casse. C'est une mesure de la ductilité, c'est-à-dire la capacité de l'acier à se déformer sans casser. Un acier très ductile s'allonge beaucoup.
- Striction (\(Z\%\)) : On mesure de combien la section de l'éprouvette a diminué en pourcentage au point de rupture par rapport à sa section initiale. C'est aussi une mesure de la ductilité.
- Module d'Young (\(E\)) : C'est une mesure de la rigidité du matériau. Plus il est élevé, plus le matériau est rigide (il se déforme peu sous contrainte élastique). Pour la plupart des aciers, il est d'environ \(210 \, \text{GPa}\) (Gigapascals).
4.2 Dureté : Résister aux Rayures et à la Pénétration
La dureté, c'est la capacité d'un matériau à résister à être rayé ou à ce qu'un objet pointu s'enfonce dedans. Un acier dur résiste bien à l'usure. Il existe différentes méthodes pour la mesurer, comme les essais Brinell, Rockwell ou Vickers, qui utilisent différents types de "pointe" (pénétrateur) et de force. La dureté est souvent liée à la résistance à la traction : plus un acier est dur, plus il est généralement résistant.
Schéma simplifié d'un essai de dureté, où une pointe est enfoncée dans le matériau pour mesurer sa résistance.
4.3 Ténacité et Résilience : Résister aux Chocs
Ces propriétés sont importantes pour les pièces qui peuvent subir des chocs, surtout à basse température.
- Ténacité : C'est la capacité d'un matériau à ne pas casser brutalement s'il y a déjà une petite fissure. Un matériau tenace peut "absorber" l'énergie du choc en se déformant un peu autour de la fissure au lieu de se déchirer complètement.
- Résilience : C'est une mesure de la ténacité, souvent testée avec un essai de choc (comme l'essai Charpy). On lâche un marteau d'une certaine hauteur qui vient frapper une pièce d'acier avec une petite entaille. On mesure l'énergie absorbée par la pièce avant de casser. Une énergie absorbée élevée signifie que l'acier est résilient et résiste bien aux chocs, même s'il y a un défaut.
Schéma simplifié d'un essai Charpy pour mesurer la résilience de l'acier. Un marteau pendule frappe une éprouvette entaillée.
5. Traitements Thermiques des Aciers : Changer les Propriétés par la Chaleur
Les traitements thermiques sont des processus où l'on chauffe l'acier à des températures précises, puis on le refroidit d'une manière très contrôlée. C'est comme cuisiner l'acier pour lui donner les propriétés souhaitées en modifiant son arrangement interne (sa microstructure).
Schéma illustrant les profils de température et de temps pour quelques traitements thermiques clés de l'acier.
Principaux traitements thermiques :
- Recuit : On chauffe l'acier assez haut, puis on le laisse refroidir très, très lentement (souvent dans le four éteint). Ça le rend plus mou, plus facile à travailler (usiner) et plus uniforme.
- Normalisation : On chauffe aussi, mais on laisse refroidir à l'air libre. C'est un peu plus rapide que le recuit. Ça rend l'acier plus homogène et avec une meilleure combinaison de résistance et de ductilité.
- Trempe : On chauffe à haute température (pour former de l'austénite), puis on refroidit TRÈS rapidement (dans l'eau, l'huile, ou de l'air soufflé). Ça crée la phase martensite, qui est incroyablement dure, mais l'acier devient fragile comme du verre !
- Revenu : C'est presque toujours fait après une trempe. On réchauffe l'acier trempé à une température plus basse et on le maintient un certain temps. Ça réduit la fragilité de la martensite tout en gardant une bonne partie de sa dureté. C'est un compromis entre dureté et ténacité.
6. Corrosion des Aciers : Le Combat contre la Rouille
Le principal ennemi de beaucoup d'aciers, c'est la corrosion, surtout la rouille. C'est une réaction chimique (oxydation) qui détruit le métal, surtout en présence d'eau et d'air. La corrosion affaiblit les pièces et les structures en acier.
6.1 Types de Corrosion : Comment ça Attaque ?
- Corrosion uniforme : C'est quand toute la surface de l'acier est attaquée plus ou moins de la même manière. La rouille sur une vieille tôle en est un exemple.
- Corrosion localisée : C'est plus insidieux. L'attaque se concentre sur de petites zones (piqûres), le long des joints de grains (intergranulaire), ou est accélérée par des contraintes mécaniques (sous contrainte). Ces formes de corrosion peuvent être plus dangereuses car elles créent des points faibles.
Illustration simplifiée de la corrosion uniforme et de la corrosion localisée (piqûres) sur une surface d'acier.
6.2 Protection contre la Corrosion : Défendre l'Acier
Heureusement, il existe des moyens de protéger l'acier de la corrosion :
- Revêtements : On peut recouvrir l'acier d'une couche protectrice, comme de la peinture, du zinc (galvanisation), ou d'autres matériaux. Cette couche empêche l'eau et l'oxygène d'atteindre l'acier.
- Inhibiteurs de corrosion : Ce sont des substances qu'on ajoute au liquide ou à l'environnement en contact avec l'acier pour ralentir ou arrêter la réaction de corrosion.
- Protection cathodique : C'est une technique électrique qui consiste à rendre la pièce en acier "cathodique" (pôle négatif d'une pile) pour qu'elle ne puisse pas s'oxyder. On peut utiliser une "anode sacrificielle" (un autre métal qui se corrode à la place de l'acier) ou un courant électrique.
- Choix du matériau : La meilleure protection est parfois de choisir un acier qui résiste naturellement à la corrosion, comme les aciers inoxydables, qui forment une couche protectrice de chrome à leur surface.
7. Soudabilité des Aciers : Lier les Pièces
La soudabilité, c'est la facilité avec laquelle on peut assembler deux pièces d'acier en les soudant, pour obtenir un joint solide et fiable. Tous les aciers ne se soudent pas aussi facilement. La composition de l'acier, surtout sa teneur en carbone et en certains éléments d'alliage, joue un rôle majeur. Un acier avec trop de carbone peut devenir très dur et fragile près de la soudure, ce qui peut causer des fissures. Le soudeur doit aussi choisir le bon procédé de soudage et les bonnes conditions (température de préchauffage, etc.) en fonction de l'acier.
Schéma illustrant un joint soudé et la zone affectée par la chaleur autour de la soudure.
8. Conclusion
Pour résumer, les aciers sont des matériaux incroyablement utiles, mais aussi un peu complexes ! Leurs propriétés dépendent de leur "recette" (composition) et de la façon dont on les "cuisine" (traitements thermiques). Les normes sont là pour nous aider à les identifier et à garantir leur qualité. Comprendre comment ils réagissent aux forces, à la rouille ou au soudage est essentiel pour les utiliser en toute sécurité dans la construction, les machines, les outils, et bien d'autres applications.
Normes et Propriétés des Aciers
Exercice et corrigé sur le Calcul des armatures d’une poutre, cliquez sur le lien.
Exercices et Corrigé de structure métallique:
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