Analyse des Documents en Terrassement
Le terrassement est l'art de remodeler le relief naturel pour accueillir les infrastructures humaines. Ce n'est pas une simple opération de force brute, mais une science d'équilibre des volumes, de géotechnique appliquée et de logistique fine. Ce manuel expert détaille toutes les étapes, de l'analyse documentaire à la réception des travaux, en passant par les méthodes de calcul de cubatures et le choix stratégique des engins. Il s'adresse aux ingénieurs, conducteurs de travaux et chefs de chantier soucieux de maîtriser la rentabilité et la sécurité de leurs opérations.
Sommaire Détaillé
- 1. Le Dossier Géotechnique
- 2. Lecture des Plans Topographiques
- 3. Cubatures et Mouvements de Terres
- 4. Traitement des Sols en Place
- 5. Optimisation et Transport
- 6. Choix des Engins de Terrassement
- 7. Gestion des Eaux et Assainissement
- 8. Sécurité et Risques Spécifiques
- 9. Impact Environnemental
- 10. Topographie & Guidage 3D
- 11. Étude de Prix & Rendements
- 12. Documents Réglementaires (CCTP)
- 13. Glossaire Technique
- 14. Conclusion
1. Le Dossier Géotechnique
Le sol est le matériau de construction le plus imprévisible. Contrairement à l'acier ou au béton fabriqués en usine, ses propriétés varient tous les mètres. L'analyse du dossier géotechnique est la première étape obligatoire pour éviter les sinistres et les surcoûts financiers.
1.1 Les Missions Géotechniques (Norme NF P 94-500)
La norme française définit un enchaînement précis de missions pour sécuriser le projet géotechnique. Chaque mission a un but contractuel spécifique.
Détail des Missions
- G1 (Étude Préliminaire) : Réalisée en phase d'Esquisse (ESQ). Elle comprend la G1-ES (Étude de Site, documentaire) et la G1-PGC (Principes Généraux de Construction). Elle identifie les risques majeurs : argiles gonflantes, anciennes carrières, cavités de dissolution (gypse), niveau général de la nappe phréatique. Elle ne suffit jamais pour construire.
- G2 (Étude de Conception) : C'est la "Bible" de l'ingénieur travaux. Elle se divise en G2-AVP (Avant-Projet) qui donne les hypothèses géotechniques et G2-PRO (Projet) qui dimensionne les ouvrages (mur de soutènement, fondations). Elle fournit les valeurs de calcul (cohésion, angle de frottement, contrainte admissible).
- G3 (Étude d'Exécution) : À la charge de l'entreprise de terrassement. Elle étudie dans le détail les ouvrages géotechniques (ex: stabilité d'un talus provisoire, méthode de blindage) et valide les méthodes d'exécution.
- G4 (Supervision d'Exécution) : À la charge du Maître d'Ouvrage. Elle vérifie la conformité des travaux de l'entreprise par rapport aux hypothèses de la G2 (visas, suivi de chantier).
- G5 (Diagnostic) : Mission ponctuelle sur un élément spécifique ou après un sinistre (ex: apparition d'une fissure sur un existant voisin).
1.2 Lecture d'un Sondage et Coupe Géologique
Le rapport de sol contient des "logs" de sondage issus de carottages ou d'essais in-situ (pénétromètre dynamique ou statique, pressiomètre). Il faut savoir visualiser la stratigraphie en 3D à partir de ces points 1D.
Points de vigilance lors de la lecture :
- La cote du refus (profondeur où l'outil ne pénètre plus) indique souvent le toit du rocher ou un substratum très dur. C'est la limite du terrassement "facile".
- La présence d'eau (cote piézométrique) : Est-elle saisonnière ? Y a-t-il des venues d'eau sous pression (artésiennes) ?
- L'hétérogénéité : Si le sondage S1 donne de l'argile et le S2 du sable à 20m de distance, attention aux lentilles hétérogènes difficiles à traiter.
Coupe lithologique type issue d'un rapport G2-PRO. Notez le niveau d'eau à -2.00m qui impactera les travaux.
1.3 Classification GTR (Guide des Terrassements Routiers)
La norme NF P 11-300 est la référence absolue. Elle permet de classer les matériaux pour déterminer leur aptitude au réemploi en remblai ou en couche de forme.
La classification repose sur deux paramètres de laboratoire :
- La Granulométrie : On mesure le passant au tamis de 80 µm (les fines) et la taille du plus gros élément (Dmax).
- Si > 35% de fines (passant à 80µm) : Sol Fin (Classe A).
- Si < 35% de fines : Sol Grenu (Classe B, ou D si insensibles à l'eau).
- L'Argilosité : Mesurée par l'Indice de Plasticité (Ip) ou la Valeur au Bleu du Sol (VBS).
- VBS < 0.1 : Sol insensible à l'eau (Sable propre).
- VBS > 6-8 : Argile très plastique, gonflante et collante.
| Classe | Description | Utilisation en Remblai |
|---|---|---|
| A (A1 à A4) | Sols fins (Limons, Argiles, Marnes) | Très sensibles à l'eau. Utilisables uniquement si l'état hydrique est contrôlé. A4 est souvent impropre (trop plastique). |
| B (B1 à B6) | Sols sableux et graveleux avec fines | Bons matériaux de remblai courant. Sensibilité moyenne à l'eau. |
| C | Sols comportant des fines et des gros éléments (Cailloux dans argile) | Difficiles à compacter de manière homogène. Nécessite des compacteurs lourds. |
| D | Sols insensibles à l'eau (Sables propres, Graves propres) | Excellents matériaux, utilisables par tout temps. Précieux pour les couches de forme. |
| R | Matériaux Rocheux (Calcaires, Granites, Craies) | Issus de l'abattage à l'explosif ou au brise-roche. Granulométrie grossière. |
| F | Sols Organiques (Terre végétale, Tourbe) | Toujours impropres à la construction (tassements infinis). À décaper et stocker pour les espaces verts. |
1.4 États Hydriques : Sec, Moyen, Humide
Avoir un sol de classe A2 ne suffit pas. Il faut connaître son état hydrique au moment des travaux. On compare sa teneur en eau naturelle \( W_{\text{n}} \) à son optimum Proctor \( W_{\text{opn}} \).
L'état définit l'action :
- Très Sec (ts) : Nécessite un arrosage copieux pour être compacté.
- Sec (s) : Arrosage léger.
- Moyen (m) : L'idéal. Compactage direct.
- Humide (h) : Portance faible. Nécessite une aération (rippers) ou un traitement à la chaux vive.
- Très Humide (th) : Intraficable. Mise en dépôt (décharge) ou traitement lourd.
2. Lecture des Plans Topographiques
2.1 Le Plan de Masse et Courbes de Niveau
Le plan de masse est la vue de dessus du projet. Il superpose la topographie existante (TN) et le projet fini.
Les courbes de niveau sont des lignes imaginaires reliant tous les points de même altitude (équidistance souvent de 0.25m, 0.5m ou 1m).
Interprétation :
- Courbes serrées = Pente raide (Talus, Falaise).
- Courbes espacées = Terrain plat ou faible pente.
- Courbes concentriques fermées = Mamelon (bosse) ou Cuvette (trou), à vérifier avec les cotes.
2.2 Implantation : Piquetage et Chaises
Pour transférer le plan papier sur le terrain, le géomètre réalise l'implantation.
- Piquetage Général : Bornes définissant les limites du terrain et l'emprise maximale.
- Chaises d'Implantation : Pour les fouilles de bâtiments, on installe des cadres en bois (chaises) à l'extérieur de la zone de terrassement (pour ne pas les détruire). Des cordeaux sont tendus entre ces chaises pour matérialiser les axes des murs et des fondations.
- Trait de niveau : Une référence altimétrique (ex: +1.00m au-dessus du sol fini) est marquée sur un point fixe inamovible pour servir de zéro chantier.
2.3 Le Profil en Long (PL)
Coupe longitudinale suivant l'axe du projet routier ou ferroviaire.
Il comprend :
- Ligne Noire (TN) : Le terrain naturel avant travaux.
- Ligne Rouge (Projet) : La cote finie de la chaussée. C'est la "Ligne de Projet".
- Déclivités : Pentes (descendantes) et Rampes (montantes) exprimées en %.
- Raccordements : Les changements de pente ne sont pas anguleux mais progressifs, via des raccordements paraboliques (rayons verticaux Kv) pour le confort et la visibilité.
2.4 Le Profil en Travers (PT)
Coupes perpendiculaires à l'axe, réalisées à intervalles réguliers (tous les 25m, 50m ou aux points singuliers).
Le Profil en Travers Type définit la structure standard de la route : largeur de chaussée, devers (pente transversale pour l'eau), épaisseur des couches (roulement, base, fondation, forme), et pente des talus de déblai/remblai (souvent 3H/2V ou 1H/1V selon la géotechnique).
3. Cubatures et Mouvements de Terres
Notion de Déblai et Remblai
Déblai (Excavation/Cut) : Volume de sol à extraire pour atteindre la cote projet. Zone où Projet < TN.
Remblai (Embankment/Fill) : Volume de matériaux à apporter et compacter pour surélever le terrain. Zone où Projet > TN.
L'idéal économique est l'équilibre des déblais/remblais (pas d'apport externe, pas d'évacuation en décharge).
3.2 Le Foisonnement et la Contraction
C'est le piège classique des métrés. La densité du sol change selon son état.
Foisonnement (Swell) : Un sol en place est compact. Quand on l'excave, on introduit de l'air, son volume augmente.
\[ V_{\text{foisonné}} = V_{\text{en place}} \times K_{\text{foisonnement}} \]
Contraction (Shrinkage) : Quand on met ce sol en remblai et qu'on le compacte énergiquement, son volume diminue, parfois même en dessous du volume initial (pour les sables).
\[ V_{\text{compacté}} = V_{\text{foisonné}} \times K_{\text{contraction}} \]
| Nature du Sol | Coeff. Foisonnement | Exemple (1m³ en place devient...) |
|---|---|---|
| Sable / Grave | 1.10 à 1.15 | 1.15 m³ dans le camion |
| Terre végétale / Argile | 1.25 à 1.30 | 1.30 m³ dans le camion |
| Roche abattue (dynamitée) | 1.40 à 1.60 | 1.50 m³ dans le camion (beaucoup de vide) |
Règle de gestion
On paie l'entreprise au m³ en place (mesuré sur plan avant travaux), mais on dimensionne le nombre de camions avec le volume foisonné (volume réel transporté).
3.3 Méthode des Profils (Prismoïde)
C'est la méthode de calcul manuelle traditionnelle pour les projets linéaires (routes, digues).
1. On calcule la surface de déblai \( S_{\text{d}} \) et de remblai \( S_{\text{r}} \) sur chaque profil en travers \( P_1, P_2... \)
2. On calcule le volume entre deux profils distants de \( L \) mètres par la moyenne des aires :
\[ V = \frac{S_1 + S_2}{2} \times L \]
On additionne ensuite tous les tronçons.
Correction de Gulden : Si la différence entre \( S_1 \) et \( S_2 \) est très grande, cette méthode perd en précision et nécessite une formule corrective.
\[ V = \frac{L}{3} (S_1 + S_2 + \sqrt{S_1 S_2}) \]
3.4 Méthode par MNT (Modélisation Numérique)
Méthode moderne utilisée par les logiciels CAO/DAO (Covadis, Mensura, Civil3D).
On modélise deux surfaces en 3D par triangulation (TIN) : la surface TN et la surface Projet. Le logiciel calcule la différence de hauteur \( Z \) en tout point. C'est la méthode la plus précise pour les projets surfaciques (parkings, plateformes logistiques).
4. Traitement des Sols en Place
L'évacuation des terres est un gouffre financier et écologique. Le traitement de sol permet de transformer un matériau médiocre (déchet) en matériau noble (ressource) directement sur le chantier.
4.1 Traitement à la Chaux (Assèchement)
Utilisé pour les sols argileux et limoneux trop humides (états h, th).
On incorpore 1% à 3% de chaux vive (CaO).
Action immédiate : La chaux "boit" l'eau par hydratation (réaction très exothermique, dégage de la vapeur). L'argile flocule (s'agglomère en grumeaux), le sol devient pelletable et portant en quelques heures.
4.2 Traitement au Liant Hydraulique (Renforcement)
Utilisé pour augmenter la résistance mécanique (Module EV2) et la résistance au gel.
On incorpore du ciment ou des liants routiers spéciaux (LHR).
Le sol traité devient une dalle semi-rigide, capable de remplacer une couche de forme en grave concassée. Idéal pour économiser l'apport de granulats de carrière.
4.3 Étapes de Réalisation
- Épandage : Un camion épandeur dose précisément la chaux/ciment sur le sol (kg/m²).
- Malaxage : Un "pulvimixeur" (malaxeur de sol) fraise le sol sur 30-40cm de profondeur pour mélanger intimement le sol et le liant.
- Compactage : Fermeture du sol pour atteindre la densité requise.
- Réglage fin : Niveleuse pour la cote finale.
5. Optimisation et Transport
5.1 L'Épure de Lalanne (Diagramme des Masses)
C'est un graphique cumulatif des volumes de terres le long du tracé. Il permet de visualiser instantanément d'où vient la terre et où elle doit aller.
Lecture :
- Segment montant = Zone de déblai.
- Segment descendant = Zone de remblai.
- Ligne horizontale = Zone d'équilibre.
Il permet de visualiser immédiatement les zones excédentaires et déficitaires et d'organiser les mouvements de terres longitudinaux.
5.2 Mouvement des Terres : Longitudinal vs Transversal
Mouvement Transversal : La terre est poussée perpendiculairement à l'axe (ex: du fossé vers la route). C'est le domaine du Bouteur (Bulldozer). Très économique.
Mouvement Longitudinal : La terre est transportée le long de la route d'une butte (déblai) vers un creux (remblai). Nécessite chargement et transport (Dumper/Scraper). Plus coûteux.
5.3 Le Moment de Transport
Pour chiffrer le coût, on ne parle pas juste en m³, mais en m³.km.
C'est le produit du volume par la distance moyenne de transport. L'objectif de l'optimisation est de minimiser ce moment total.
\[ M_{\text{transport}} = V_{\text{total}} \times D_{\text{moyenne}} \]
6. Choix des Engins de Terrassement
Le choix de l'atelier détermine la cadence et le prix de revient.
Guide de Sélection selon la Distance
- 0 à 80 m : Le Bouteur (Bulldozer). Il pousse. Champion du régalage et du décapage sur courte distance.
- 80 à 500 m : La Décapeuse (Scraper). Engin autonome qui racle le sol, le charge dans sa benne ventrale, le transporte et l'éjecte en couches fines. Rendement énorme sur sol meuble, mais nécessite souvent un pousseur pour l'aider à charger.
- 500 m à 3 km : Le Tombereau Articulé (Dumper). Tout-terrain, 6 roues motrices. Associé à une pelle hydraulique.
- > 3 km / Route : Le Camion Routier (6x4, 8x4, Semi-benne). Nécessite des pistes très roulantes.
6.2 Cycle de Production
Le rendement d'un atelier est dicté par le maillon faible (souvent la pelle).
Règle empirique : Il faut 3 à 5 godets pour remplir un camion. Si c'est plus, la pelle est trop petite (le camion attend trop longtemps au chargement). Si c'est moins, la pelle est trop grosse (elle attend les camions).
6.3 L'Atelier de Compactage
Le régalage des terres ne suffit pas. Il faut les compacter pour expulser l'air et atteindre la densité de référence (OPN/OPM).
On utilise des compacteurs classés selon la norme NF P 98-736 (ex: V3, V5, P2).
- Rouleau à Pieds de Mouton (Padfoot) : Indispensable pour les sols argileux/limoneux. Les "dents" poinçonnent le sol, augmentent la surface de contact et favorisent le séchage.
- Rouleau Lisse Vibrant : Pour les graves et sables. La vibration réarrange les grains. Attention aux fréquences de résonance près des bâtiments.
- Rouleau à Pneus (P) : Compactage statique par pétrissage. Excellent pour fermer la surface et assurer l'étanchéité.
6.4 Dimensionnement : La Saturation
L'atelier de compactage doit être dimensionné pour suivre la cadence de l'atelier d'extraction. Si on apporte 2000 m³/jour mais qu'on ne peut en compacter que 1000, le chantier prend du retard ou la qualité baisse.
7. Gestion des Eaux et Assainissement
L'eau est l'ennemi n°1 du terrassier. Elle dégrade les caractéristiques du sol et rend les pistes impraticables.
7.1 Les Eaux Pluviales et de Ruissellement
Avant tout terrassement, il faut gérer l'hydraulique de chantier :
- Fossés de crête : En haut des talus de déblai pour intercepter les eaux venant de l'amont.
- Pente transversale : La plateforme de travail doit toujours avoir une pente de 4% pour évacuer l'eau de pluie vers les côtés.
- Fermeture : En fin de journée, on passe un coup de rouleau lisse pour "fermer" la surface et éviter que la pluie de la nuit ne pénètre.
7.2 Rabattement de Nappe
Travailler "à sec" est impératif pour la qualité et la sécurité.
Techniques de Rabattement
- Puisards (Sump) : Méthode gravitaire simple. On creuse un point bas, on met une pompe immergée (Flygt). Pour débits faibles à moyens.
- Pointes Filtrantes : Ceinture de tubes de petit diamètre (50mm) reliés à une pompe à vide. Aspire l'eau dans les sables fins ou limons peu perméables. Hauteur d'aspiration limitée à 6-7m.
- Puits Profonds : Forages équipés de pompes immergées puissantes. Pour rabattre la nappe sur de grandes hauteurs.
7.3 Bassins de Décantation Provisoires
Interdiction de rejeter les eaux boueuses du chantier (chargées de MES - Matières en Suspension) dans la rivière ou le réseau. On doit les faire transiter par des bassins de sédimentation où les boues se déposent au fond.
8. Sécurité et Risques Spécifiques
8.1 Blindage des Fouilles et Tranchées
L'éboulement d'une tranchée est un risque mortel majeur (ensevelissement). Le Code du Travail impose le blindage ou le talutage pour toute fouille verticale > 1,30 m de profondeur.
Types de blindage :
- Caissons : Deux plaques d'acier maintenues par des vérins. Rapide à poser/déposer.
- Guide-Palplanches : Pour les terrains fluents ou avec présence d'eau.
8.2 Réseaux Enterrés (DT/DICT)
La procédure "Anti-Endommagement" est vitale.
1. DT (Déclaration de Projet de Travaux) : Par le Maître d'Ouvrage au stade conception.
2. DICT (Déclaration d'Intention de Commencement de Travaux) : Par l'entreprise avant d'intervenir. Les concessionnaires (Enedis, GRDF...) envoient les plans de leurs réseaux.
3. IC (Investigation Complémentaire) : Si la position d'un réseau sensible (Gaz haute pression) est incertaine (Classe B ou C), il faut faire des fouilles de reconnaissance douces (aspiratrice) pour le localiser précisément (Classe A).
9. Impact Environnemental
Le chantier responsable est la norme.
- Poussières : Arrosage constant des pistes par temps sec.
- Boue sur voirie : Installation d'un "rotoluve" (bac de lavage de roues à rouleaux) ou d'une aire bétonnée avec nettoyeur HP à la sortie du chantier. Obligatoire en zone urbaine.
- Déchets : Traçabilité des terres évacuées (Bordereaux de Suivi). Les terres polluées (hydrocarbures, métaux lourds) doivent aller en filière spécialisée (ISDND/ISDD).
- Espèces invasives : Attention à la Renouée du Japon. Ses rhizomes peuvent contaminer tout un site si la terre est déplacée sans précaution.
10. Topographie & Guidage 3D
10.1 Systèmes de Coordonnées
En France, les plans doivent être géoréférencés :
- Planimétrie (X, Y) : Lambert 93 (Projection conique conforme).
- Altimétrie (Z) : NGF-IGN69 (Niveau Général de la France).
Attention aux anciens plans en Lambert II Étendu ou NGF-Lallemand, les conversions sont nécessaires.
10.2 Guidage d'Engins (Machine Control)
La révolution numérique du terrassement. On ne plante plus de piquets tous les 10m.
Le projet 3D (MNT) est chargé dans l'ordinateur de bord de la pelle ou du bouteur.
Deux antennes GNSS (GPS) sur la machine + une station de base fixe au sol permettent une localisation au centimètre près (RTK).
L'écran en cabine indique au chauffeur : "Tu dois descendre de 15 cm" ou "Tu es à la cote".
Avantages : Productivité (+30%), sécurité (moins de piétons/géomètres autour des engins), précision, économie de matériaux (pas de sur-terrassement).
11. Étude de Prix & Rendements
Le Nerf de la Guerre
Gagner un appel d'offres se joue sur la pertinence du calcul de rendement.
11.1 Calcul de Cycle et Efficience
Pour dimensionner une flotte de transport :
\[ T_{\text{cycle}} = T_{\text{chargement}} + T_{\text{aller}} + T_{\text{vidage}} + T_{\text{retour}} + T_{\text{attente}} \]
Nombre de camions \( N \) :
\[ N = \frac{T_{\text{cycle}}}{T_{\text{chargement}}} \]
Exemple : Cycle de 20 min, Chargement 2 min -> Il faut 10 camions pour que la pelle ne s'arrête jamais.
On applique un coefficient d'efficience (généralement 0.83, soit 50 min productives par heure) pour intégrer les pauses, les manœuvres ratées, les petits entretiens.
11.2 Structure du Prix Unitaire
Le prix de vente d'un m³ de déblai-remblai (environ 5 à 15€/m³ selon distance et nature) se décompose en :
- Déboursé Sec (DS) : Coût direct (Location interne de l'engin + Salaire chargé du chauffeur + Gazole). Le carburant représente une part énorme (30-40%) du coût d'un engin.
- Frais de Chantier (FC) : Encadrement (Chef de chantier), base vie, géomètre, pistes (~15% du DS).
- Frais Généraux (FG) : Frais de siège de l'entreprise (~15%).
- Bénéfice et Aléas (B&A) : Marge nette (~3-5%).
12. Documents Réglementaires
- CCTP (Cahier des Clauses Techniques Particulières)
- Document contractuel rédigé par la Maîtrise d'Œuvre. Il décrit "comment" et "avec quelle qualité" les travaux doivent être faits. Il impose les objectifs de compactage (ex: q3, q4 pour les remblais, q2 pour les couches de forme), les tolérances altimétriques (+/- 3cm) et les exigences environnementales.
- Plaque de charge (Essai de plaque)
- Contrôle de réception incontournable (Norme NF P 94-117-1). On applique une pression sur une plaque circulaire de 600mm et on mesure l'enfoncement. Cela donne le module de déformation (EV2).
Critère classique : EV2 > 50 MPa pour une plateforme bâtiment, EV2 > 80 MPa pour une voirie.
13. Glossaire Technique
14. Conclusion
L'analyse des documents de terrassement est un exercice de synthèse complexe qui ne supporte pas l'approximation. Elle demande de croiser la géométrie (plans 3D), la géologie (nature des sols), la météorologie (gestion de l'eau) et l'économie (rendements machines). Une erreur d'interprétation sur la nature du sol (ex: présence de roche non détectée au sondage) ou sur les volumes (mauvais coefficient de foisonnement) peut ruiner l'économie d'un projet. La rigueur dans la lecture de ces pièces est donc la première qualité du conducteur de travaux.
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