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Principes de tests mécaniques en génie civil - Version Détaillée

Principes de tests mécaniques en génie civil

La fiabilité des infrastructures repose sur une compréhension rigoureuse du comportement des matériaux sous contrainte. Les tests mécaniques ne sont pas de simples formalités administratives, mais des outils fondamentaux pour caractériser la réponse des structures face aux charges, aux déformations et aux agressions environnementales. Ce manuel universitaire explore en profondeur les principes physiques, les méthodologies normées (EN/ISO) et l'interprétation avancée des essais essentiels qui garantissent la sécurité et la pérennité des ouvrages.

Sommaire Détaillé

1. Fondamentaux des Contraintes

1.1 Tenseur des Contraintes et Déformations

En génie civil, il est rare qu'une force soit purement uniaxiale. Dans un barrage ou un pont, la matière subit des efforts dans toutes les directions. On ne parle plus d'un simple scalaire \( \sigma \), mais d'un tenseur des contraintes (Matrice \( 3 \times 3 \)) représentant l'état de stress en un point :

\[ [\sigma] = \begin{pmatrix} \sigma_{xx} & \tau_{xy} & \tau_{xz} \\ \tau_{yx} & \sigma_{yy} & \tau_{yz} \\ \tau_{zx} & \tau_{zy} & \sigma_{zz} \end{pmatrix} \]
Les termes diagonaux \( \sigma_{ii} \) sont les contraintes normales (traction/compression), et les termes hors-diagonale \( \tau_{ij} \) sont les cisaillements. La rupture se produit souvent non pas par écrasement direct, mais par glissement interne (Cisaillement maximum de Tresca ou critère de Von Mises).

1.2 Loi de Hooke Généralisée

La relation simple \( \sigma = E \cdot \varepsilon \) n'est valide qu'en 1D. Dans la réalité 3D, étirer un matériau dans le sens X provoque son amincissement dans les sens Y et Z (Effet Poisson). La loi de Hooke généralisée lie le tenseur des contraintes au tenseur des déformations via le coefficient de Poisson \( \nu \) et le module de Young \( E \) :

\[ \varepsilon_x = \frac{1}{E} [\sigma_x - \nu(\sigma_y + \sigma_z)] \]

Matériau Module de Young \( E \) Coefficient Poisson \( \nu \) Masse Volumique
Acier de construction 210 GPa 0.30 7850 kg/m³
Béton (C30/37) ~33 GPa 0.20 2400-2500 kg/m³
Aluminium 70 GPa 0.34 2700 kg/m³
Caoutchouc 0.01 - 0.1 GPa 0.49 (Incompressible) 1100 kg/m³
σ (MPa) ε (%) Re Domaine Élastique Palier Plastique Écrouissage Pente = E

Courbe de traction typique d'un acier doux montrant clairement le domaine élastique linéaire, le palier plastique (écoulement) et la zone d'écrouissage jusqu'à la rupture.

1.3 Comportement Élastique, Plastique et Visqueux

Élasticité
Comportement réversible instantané. L'énergie est stockée (comme un ressort) et restituée. C'est le domaine de calcul des structures usuelles (ELS).
Plasticité
Déformation permanente irréversible. Les plans atomiques glissent. Essentiel pour la sécurité : permet la redistribution des efforts avant l'effondrement.
Viscoélasticité
Dépend du temps et de la vitesse de charge (Bitumes, polymères). Le matériau flue sous charge constante et relaxe sa contrainte à déformation constante.

2. L'Essai de Traction (Acier)

F F Extensomètre

Schéma de principe d'une machine de traction universelle avec éprouvette haltère et extensomètre.

2.1 Protocole et Éprouvettes

Régi par la norme ISO 6892-1. L'éprouvette usinée possède une longueur calibrée \( L_0 \) (souvent \( 5.65 \sqrt{S_0} \)) pour éviter les effets de bords des mors. La vitesse de déformation est pilotée (ex: 0.00025 s\(^{-1}\)) pour éviter l'échauffement ou les effets d'inertie.

2.2 Analyse de la Courbe Rationnelle

La courbe brute (Force-Déplacement) dépend de la taille de l'échantillon. La courbe rationnelle (Contrainte vraie - Déformation vraie) prend en compte la réduction instantanée de la section.
\[ \sigma_{vraie} = \sigma_{ing} (1+\varepsilon_{ing}) \]
\[ \varepsilon_{vraie} = \ln(1+\varepsilon_{ing}) \]
Ceci est crucial pour les grandes déformations (emboutissage), moins pour le génie civil courant.

2.3 Critères de Rupture

  • Limite d'élasticité (\( R_e \) ou \( F_y \)) : Transition Élastique/Plastique. Si le palier est flou (aciers écrouis), on utilise la limite conventionnelle \( Rp_{0.2} \) (contrainte laissant 0.2% de déformation permanente).
  • Résistance Ultime (\( R_m \) ou \( F_u \)) : Charge maximale supportée. Au-delà, la striction commence : la déformation se localise, la section diminue drastiquement, la force décroît jusqu'à la rupture physique.
  • Allongement (\( A\% \)) : Mesure de la ductilité. \[ A\% = \frac{L_u - L_0}{L_0} \times 100 \] Un acier sismique nécessite une grande ductilité (Classe C selon Eurocode 2).

2.4 Effet Bauschinger et Écrouissage

L'écrouissage est le durcissement du métal par déformation plastique (les dislocations s'emmêlent). Cela augmente \( R_e \) mais diminue la ductilité (\( A\% \)).
L'effet Bauschinger est une anisotropie induite : si on plastifie un acier en traction, sa limite d'élasticité en compression diminue. C'est fondamental pour modéliser la fatigue ou les séismes (charges cycliques).

2.5 Essai de Pliage-Dépliage

Essentiel pour valider l'aptitude au façonnage des armatures (cadres, étriers). On plie la barre à 180° (ou 90° puis redressement) autour d'un mandrin normalisé. Aucune fissure ne doit apparaître sur la face tendue (extrados). Révèle les défauts de surface ou une fragilité interne.

3. L'Essai de Compression (Béton)

F (Compression) Cône de rupture

Schéma de rupture d'une éprouvette de béton 16x32cm. Les cônes de cisaillement aux extrémités sont dus au frettage des plateaux.

3.1 Effet de Confinement et Frottement

Lors de l'écrasement, les plateaux de la presse empêchent le béton de se dilater latéralement par frottement (Effet de frettage). Cela crée une zone triaxiale conique aux extrémités qui renforce artificiellement l'éprouvette.
Si l'élancement \( H/D < 2 \), la résistance mesurée est faussement élevée.
Si \( H/D > 2 \), le risque de flambement apparaît.
Le standard est le cylindre 16x32 cm (\( H/D=2 \)) ou le cube (où l'effet de frettage est prédominant, d'où une résistance plus élevée).

3.2 Classes de Résistance et Échelle Temporelle

La résistance caractéristique \( f_{ck} \) est définie à 28 jours (fin conventionnelle de la réaction chimique majeure).
Loi d'évolution (Eurocode 2) : \[ f_{cm}(t) = \beta_{cc}(t) \cdot f_{cm} \]
Le béton gagne ~65% de sa résistance en 7 jours.
Conversion approximative : \[ f_{ck,cube} \approx 1.25 \times f_{ck,cyl} \] C'est pourquoi les classes de béton sont notées avec deux chiffres (ex: C25/30 = 25 MPa cylindre / 30 MPa cube).

3.3 Module de Young Sécant vs Tangent

Le béton est non-linéaire dès les faibles charges (micro-fissuration).
Module Tangent (\( E_{c0} \)) : Pente à l'origine (vitesse du son, dynamique).
Module Sécant (\( E_{cm} \)) : Pente entre l'origine et \( 0.4 f_{cm} \). C'est la valeur de calcul pour les déformations statiques.
Mesure : On réalise 3 cycles de chargement-déchargement pour éliminer les déformations plastiques initiales et mesurer la pente élastique stabilisée.

3.4 Essai Brésilien (Fendage)

Permet d'estimer la résistance en traction (\( f_{ctm} \)) du béton, cruciale pour la fissuration et l'effort tranchant. On écrase un cylindre couché. La rupture se fait par fendage vertical au centre.
Formule : \[ f_{ct,sp} = \frac{2F}{\pi \cdot L \cdot D} \]
Généralement, la traction représente 10% de la compression.

4. Essais de Flexion

4.1 Théorie de la Poutre (Bernoulli vs Timoshenko)

Les essais de flexion reposent sur l'hypothèse de Bernoulli (les sections restent planes).
Flexion 3 points : Moment max sous la charge centrale. Cisaillement constant sur les demi-portées.
Flexion 4 points : Zone centrale à Moment Constant et Cisaillement Nul ("Flexion pure"). C'est le seul moyen de mesurer le module de Young en flexion sans l'influence parasite de l'effort tranchant.

Fibre neutre F/2 F/2 Moment Constant (M)

Configuration Flexion 4 points : La zone centrale entre les deux forces subit un moment constant et un effort tranchant nul, idéal pour caractériser le matériau.

4.2 Module de Rupture (MOR)

Calculé via la formule de Navier :
\[ \sigma = \frac{M \cdot v}{I} \]
Pour une section rectangulaire \( b \times h \) chargée à mi-portée (3 pts) :
\[ \sigma_{max} = \frac{3FL}{2bh^2} \]
Note : La résistance en flexion du béton est souvent supérieure à sa résistance en traction directe (\( f_{ct,fl} > f_{ctm} \)) à cause d'effets d'échelle et de gradient de contrainte.

4.3 Flèche et États Limites de Service (ELS)

On mesure la flèche (déplacement vertical) pour vérifier la rigidité (\( EI \)).
Flèche max (3 points) :
\[ f = \frac{F L^3}{48 E I} \]
Si la flèche est excessive, cela peut fissurer les cloisons ou rendre l'ouvrage inconfortable, même s'il ne casse pas.

5. Essais sur les Granulats

La qualité du squelette granulaire détermine la durabilité des routes et des bétons.

5.1 Essai Los Angeles (LA) - Chocs

Norme EN 1097-2. Simule les chocs du trafic.
Protocole : 5 kg de gravillons + 11 boules d'acier (4.8kg) dans un tambour. 500 rotations à 33 tr/min.
Calcul : On tamise à 1.6 mm. Le passant (poussière) représente la perte.
\[ LA = \frac{M_{passant}}{M_{initial}} \times 100 \]
Seuils : <15 (Très dur), <25 (Route trafic lourd), <40 (Fondation).

5.2 Essai Micro-Deval (MDE) - Attrition

Norme EN 1097-1. Simule l'usure par frottement réciproque des grains en présence d'eau (boue abrasive). Crucial pour éviter le polissage des chaussées (perte d'adhérence).
Tambours rotatifs avec billes d'acier + 2.5L d'eau. 12000 tours.

5.3 Coefficient d'Aplatissement

Les grains plats ou allongés ("aiguilles") sont fragiles et cassent sous le compacteur. On les trie avec des grilles à fentes parallèles. Un bon granulat doit être cubique (massif).

6. Essais sur les Bitumes & Enrobés

Le bitume est un matériau visco-élastique thermosensible. Ses propriétés changent radicalement avec la température.

6.1 Rhéologie des Liants

  • Pénétrabilité à l'aiguille (EN 1426) : Mesure la dureté à 25°C. Une aiguille chargée (100g) s'enfonce pendant 5s. Un bitume 35/50 a une pénétration entre 3.5 et 5.0 mm.
  • Température Bille et Anneau (TBA - EN 1427) : Point de ramollissement. Température à laquelle le bitume devient fluide. Doit être > Température max de la chaussée (ex: >70°C) pour éviter l'orniérage l'été.

6.2 Essai Marshall et Duriez

  • Marshall : Stabilité mécanique. On écrase une éprouvette cylindrique d'enrobé à 60°C entre mâchoires semi-circulaires. On cherche la charge de rupture et le fluage.
  • Duriez : Tenue à l'eau. On compare la résistance en compression d'éprouvettes conservées à l'air vs dans l'eau. Rapport \( r/R > 0.7 \) exigé pour éviter le désenrobage (nids de poule).

6.3 Module Complexe et Fatigue

Pour dimensionner les chaussées, on sollicite une poutre d'enrobé en flexion trapézoïdale à haute fréquence (10-25 Hz).
Le module complexe \( E^* \) décrit la rigidité (partie réelle) et l'amortissement visqueux (partie imaginaire).
La loi de fatigue \( \epsilon_6 \) est la déformation admissible pour 1 million de cycles.

7. Mécanique des Roches

7.1 Essai Franklin (Point Load Test)

Essai de terrain portable. On comprime un bloc de roche irrégulier entre deux pointes coniques. La rupture est brutale.
Indice \( Is_{50} \). Corrélation empirique :
\[ R_c \approx 24 \times Is_{50} \]
Avantage : Pas besoin d'usiner un cylindre parfait comme pour la compression uniaxiale.

7.2 RQD (Rock Quality Designation)

Ce n'est pas un essai mécanique pur, mais un indice de fracturation mesuré sur les carottes de forage.
\[ RQD = \frac{\sum \text{longueurs morceaux} > 10cm}{\text{Longueur totale}} \times 100 \]
Il pondère fortement la résistance globale du massif rocheux.

8. Spécificités du Bois

8.1 Orthotropie et Classes de Résistance

Le bois a 3 axes principaux : Longitudinal (fibres), Radial (rayons), Tangentiel (cernes).
La résistance en compression parallèle aux fibres est 5 à 10 fois supérieure à la compression perpendiculaire (écrasement des trachéides).
Les bois sont classés (ex: C24 pour résineux, D30 pour feuillus) selon la flexion, la densité et le module E.

8.2 Effet de la Durée de Charge (Fluage)

Le bois est très sensible au fluage (viscoélasticité) et à l'humidité.
Coefficient \( k_{mod} \) (Eurocode 5) : réduit la résistance de calcul pour les charges de longue durée (neige, poids propre) par rapport aux charges instantanées (vent).

9. Fatigue et Endommagement

9.1 Essai de Fatigue (Courbe de Wöhler)

Soumission de l'éprouvette à des millions de cycles sinusoïdaux (Traction-Compression ou Flexion).
On trace la contrainte (\( S \)) en fonction du nombre de cycles à rupture (\( N \)).
Limite d'endurance (\( \sigma_D \)) : Contrainte sous laquelle l'acier ne rompt théoriquement jamais (asymptote horizontale). Pour l'aluminium, cette limite n'existe pas vraiment (rupture inévitable à très long terme).

9.2 Loi de Miner (Dommage Cumulatif)

Si une structure subit des cycles à différentes amplitudes (vent fort puis faible), on additionne les dommages partiels :
\[ D = \sum \frac{n_i}{N_i} \]
La rupture survient quand \( D=1 \).

9.3 Modèles Rhéologiques

Pour modéliser le fluage (béton, sols) :
Ressort (Hooke) : Élasticité pure.
Amortisseur (Newton) : Viscosité pure.
Modèle de Maxwell : Ressort + Amortisseur en série (Relaxation fluide).
Modèle de Kelvin-Voigt : Ressort + Amortisseur en parallèle (Fluage solide retardé).

10. Dureté et Résilience

Mouton Pendule Entaille

Principe de l'essai Charpy. Le marteau frappe le dos de l'entaille. La hauteur de remontée après impact détermine l'énergie absorbée.

10.1 Méthodes de Dureté


Brinell (HB) : Bille carbure 10mm. Empreinte large, moyenne les hétérogénéités. (Aciers bruts, fontes).
Vickers (HV) : Pyramide diamant 136°. Empreinte microscopique. Universel (des céramiques aux métaux tendres).
Rockwell C (HRC) : Cône diamant. Mesure directe de la profondeur d'enfoncement. Lecture instantanée, très utilisé en industrie mécanique.
Shore (A/D) : Pointe à ressort pour les caoutchoucs et plastiques.

10.2 Transition Ductile-Fragile (Charpy)

Test de flexion par choc sur éprouvette entaillée (V ou U). On mesure l'énergie \( KCV \) (Joules/cm²) absorbée.
Courbe en "S" en fonction de la température. La température de transition fragile-ductile doit être inférieure à la température de service de l'ouvrage (ex: -20°C pour un pont en montagne).

11. Mécanique des Sols (Laboratoire)

11.1 Consolidation (Oedomètre)

Simule le tassement lent des argiles saturées sous le poids d'un bâtiment. L'eau met du temps à s'évacuer des pores très fins. L'essai dure des semaines. On détermine l'indice de compression \( C_c \) (amplitude du tassement) et le coefficient de consolidation \( C_v \) (vitesse du tassement).

11.2 Cisaillement (C et Phi)

La rupture des sols suit la loi de Mohr-Coulomb :
\[ \tau = c + \sigma \tan(\varphi) \]
Boîte de Casagrande : Cisaillement direct suivant un plan imposé. Simple mais limité.
Triaxial : L'échantillon est confiné par une pression d'eau (\( \sigma_3 \)) et écrasé axialement (\( \sigma_1 \)). On maîtrise le drainage. C'est l'essai de référence pour définir la cohésion (\( c \)) et l'angle de frottement (\( \phi \)).

11.3 Essai Proctor

Définit l'Optimum Proctor Normal (OPN). Pour une énergie de compactage donnée, il existe une teneur en eau optimale qui maximise la densité sèche du sol.
Trop sec : frottement trop fort entre grains. Trop humide : l'eau incompressible empêche le serrage.

12. Essais Géotechniques In Situ

Les sols remaniés en laboratoire perdent leurs propriétés. L'in situ est roi.

12.1 Pressiomètre Ménard (PMT)

Spécificité française. On dilate une sonde radiale dans le forage.
Module Ménard (\( E_M \)) : Caractérise la déformabilité (tassement).
Pression Limite (\( p_l \)) : Pression de rupture du sol. Sert directement au calcul de la portance des fondations (DTU 13.12).

12.2 Pénétromètre (CPT/SPT)

CPT (Statique) : On fonce un cône à 2 cm/s. Mesure la résistance de pointe \( q_c \) (dureté) et le frottement \( f_s \) (nature du sol). Permet de distinguer argile (frottement élevé) et sable (pointe élevée).
SPT (Dynamique) : On bat un carottier au fond du trou. On compte le nombre de coups \( N \) pour enfoncer de 30 cm. Empirique mais universel pour la liquéfaction sismique.

13. Essais sur Maçonneries

13.1 Compression Diagonale

Pour évaluer la résistance au contreventement (séisme) d'un mur. On applique une force compressive le long de la diagonale d'un muret carré. Cela induit un état de cisaillement pur au centre, provoquant une rupture en traction diagonale.

13.2 Adhérence Mortier-Bloc

Essai de "Bond Wrench". On applique un moment de flexion sur une brique scellée pour tester l'adhérence en traction de l'interface. Critique pour la tenue des façades au vent.

14. Durabilité et Physico-Chimie

La durabilité conditionne la durée de vie (50 ans, 100 ans) de l'ouvrage.

14.1 Porosité et Diffusion des Chlorures

Migration des ions chlorures (sel marin) sous champ électrique (Essai rapide). Les chlorures dépassivent les aciers et causent une corrosion "par piqûre" foudroyante.

14.2 Front de Carbonatation

Le \( CO_2 \) atmosphérique transforme la portlandite \( Ca(OH)_2 \) en calcite \( CaCO_3 \), abaissant le pH de 13 à 9.
Test à la phénolphtaléine sur cassure fraîche : Rose = Sain (pH > 9), Incolore = Carbonaté. Si la zone incolore atteint l'acier, la corrosion commence.

14.3 Cycles Gel-Dégel

Mesure de la variation du module d'élasticité dynamique ou de la perte de masse (écaillage) après 56 cycles de gel (-18°C / +5°C). Vérifie l'efficacité des entraîneurs d'air.

15. Essais Non Destructifs (CND)

Méthodes Courantes
  • Vitesse d'Impulsion Ultrasonique (UPV) : \( V = \sqrt{E/\rho} \). Une vitesse > 4000 m/s indique un excellent béton. Une chute locale signale une fissure, un vide ou un délaminage.
  • Scléromètre (Schmidt) : Mesure l'énergie de rebond élastique (indice Q ou R). C'est une mesure de dureté superficielle, corrélée (avec prudence) à la résistance en compression. Nécessite un étalonnage sur carottes réelles.
  • Pachomètre : Induction magnétique. Localise les aciers et mesure l'épaisseur d'enrobage (critical pour la durabilité).
  • Géoradar (GPR) : Ondes électromagnétiques. Permet une "radio" de la dalle pour voir gaines de précontrainte, vides et épaisseurs.

16. Instrumentation Avancée

16.1 Jauges d'Extensométrie (Strain Gauges)

Circuit résistif (Constantan) collé sur le matériau. La déformation allonge le fil, augmentant sa résistance (\( \Delta R/R = K \cdot \varepsilon \)). Mesure ultra-précise (\( 10^{-6} \)) via un Pont de Wheatstone pour compenser les effets thermiques.

16.2 Capteurs à Corde Vibrante

Une corde d'acier est tendue entre deux ancrages dans le béton. La fréquence de résonance de la corde dépend de sa tension, donc de la déformation de la structure.
Avantage : Le signal est une fréquence, insensible à la longueur des câbles électriques. Idéal pour le monitoring à long terme des barrages et tunnels (fiabilité > 50 ans).

17. Normes et Cadre Légal

L'ingénieur ne peut improviser. Les essais doivent suivre des normes strictes pour avoir une valeur juridique et assurantielle.

Domaine Normes de Référence
Béton Durci NF EN 12390 (Série)
Métaux (Traction) NF EN ISO 6892-1
Granulats NF EN 1097 (LA, MDE)
Sols (Terrassement) NF P 94 (Série) / Eurocode 7
Bitumes NF EN 12591 / EN 12697

18. Guide de Sélection

Problématique Essai Recommandé Résultat Clé
Réception acier sur chantier Traction Limite \( R_e \) (ex: 500 MPa)
Validation béton à 28j Compression Cylindrique \( f_{c28} \)
Portance sol pour semelle Pressiomètre Pression Limite \( p_l \)
Tassement argile Oedomètre Indice \( C_c \)
Risque orniérage bitume TBA + Orniéreur Température ramollissement
Corrosion dans vieux pont Carbonatation + Chlorures Profondeur de pénétration

19. Innovations en Métrologie

Corrélation d'Images Numériques (DIC)
Caméras haute résolution filmant un mouchetis peint sur la surface. Le logiciel track le déplacement de chaque pixel. Donne une carte de déformation "champ complet" (pas juste en un point), révélant la localisation des fissures avant qu'elles soient visibles.
Émission Acoustique (AE)
"Écouter la matière souffrir". Des micros piézoélectriques captent les ondes de choc microscopiques générées par la propagation d'une fissure ou la rupture d'une fibre, permettant de localiser l'endommagement en temps réel (triangulation).
Fibre Optique Répartie
La fibre elle-même est le capteur (Diffusion Brillouin ou Rayleigh). Permet de mesurer la température et la déformation tous les mètres sur 50 km de pipeline ou de tunnel.

20. Incertitudes et Erreurs de Mesure

Selon le GUM (Guide pour l'expression de l'Incertitude de Mesure), tout résultat doit être donné avec son incertitude élargie (k=2, niveau de confiance 95%).
Exemple : \( R_c = 35.4 \pm 1.2 \text{ MPa} \).
Sources d'erreur :
- Répétabilité : Dispersion intrinsèque du matériau (le béton est hétérogène).
- Biais machine : Défaut de planéité des plateaux, erreur de cellule de force.
- Opérateur : Vitesse de chargement, centrage de l'éprouvette.

21. Conclusion

Les tests mécaniques sont le tribunal de la matière : ils rendent un verdict factuel sur la capacité des matériaux à supporter le monde réel. De l'écrasement brutal du béton à l'écoute subtile des ultrasons, cette science de la mesure permet aux ingénieurs de construire plus haut, plus léger et plus longtemps, en transformant des hypothèses de calcul en certitudes de sécurité. La maîtrise de ces essais est la frontière qui sépare le calcul théorique de la réalité physique du chantier.

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